Didier Raoult
: je crois en toi, chloroquine !
Lorsque Didier Raoult a surgi en février, c’est en direct sur sa chaîne YouTube. Infectiologue et spécialiste de microbiologie mondialement reconnu, il va devenir une star. Populaire, en rupture, semeur de zizanie, mais toujours droit dans ses bottes de… biker. Le look ne fait pas le moine. Avec son accent marseillais, sa faconde, son sens de la provocation et son immense talent scientifique, Didier Raoult va ajouter de la crise à la crise. Fin février, tout le monde s'en souvient, il annonce qu'il a trouvé un remède – presque de grand-mère – capable de soigner la Covid-19. De Pékin à Menton, chacun d’entre nous ajoute un nouveau mot à son vocabulaire : l’hydroxychloroquine ! Six syllabes qui vont faire couler beaucoup d’encre. Cet antipaludéen bon marché serait, selon le professeur Raoult, la potion magique contre le coronavirus. Le 22 mars, il annonce qu'il proposera à tous les patients infectés, un traitement associant l'hydroxychloroquine et l'azithromycine. Olivier Véran, le lendemain, autorise l'usage de l'hydroxychloroquine. La suite, on la connaît. La bataille d’experts – réels ou autoproclamés – qui s'ensuit va durer des mois. Les échos de la zizanie que la découverte du professeur Raoult a suscitée ne se sont pas encore éteints. Ils ont traversé les continents.
Le don du ciel
Raoult devient l’idole de Donald Trump : « La chloroquine
est un don du ciel », proclame le président américain. Le 9 avril, Emmanuel Marcon fait le déplacement à Marseille pour rencontrer le professeur. L’espoir qu'il a suscité, alors que le confinement commence à peser, est planétaire. L’espoir avant la cacophonie. Deux études internationales – une Française, l’autre Chinoise – tombent en avril comme une pierre dans le jardin du directeur de l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée : l’hydroxychloroquine serait totalement inefficace. À Marseille, Didier Raoult continue de produire des résultats qui démontrent le contraire : 91,7 % de ses patients (sur les 1 061 retenus) n'excréteraient plus de virus et ne présenteraient plus de symptômes cliniques. Raoult fait la une partout dans le monde. On se l’arrache sur les plateaux TV, mais il préfère réserver ses annonces et ses coups de canif à sa propre chaîne YouTube. On fait la queue des heures devant son institut pour se voir prescrire de la chloroquine. Le débat scientifique se double d'un débat politique entre pro et anti. Philippe DousteBlazy, l’ancien ministre de la Santé, se fait le défenseur du professeur marseillais. À Nice, Christian Estrosi soutient Didier Raoult. Dans le camp des chercheurs en revanche, c’est l’hallali. Le bug de l’étude publiée dans The Lancet n’arrange rien. Le 22 mai, la revue scientifique alerte contre la dangerosité de l’hydroxychloroquine… Le jour même, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) interdit le médicament « marseillais ». Le 25 mai, c’est la France qui le proscrit… Sauf que, dix jours plus tard,
The Lancet se rétracte ! Les essais de l'hydroxychloroquine par l'OMS reprennent immédiatement. Depuis lors, plusieurs autres études ont été rendues publiques. Pour la plupart, elles concluent à
l’inefficacité du traitement préconisé par le professeur Raoult dont le credo n'a cependant pas changé. Il persiste et signe. Héros des sondages, le professeur Raoult surfe sur une vague de popularité qui, si elle ne guérit pas de la Covid, donne de l’espoir à nombre de Français, souvent en rupture avec la gestion gouvernementale de la crise sanitaire.
Le masque si ça peut rassurer…
Rupture que le professeur Raoult partage, notamment sur les arrêtés rendant obligatoire le port du masque. Le chercheur est désormais un phénomène de société à lui tout seul, révélateur ou catalyseur des fractures de la société, de la rupture avec les élites – paradoxe s'il en est dès lors que Didier Raoult est lui-même issu de ces élites. Pour autant, Didier Raoult est accusé d’avoir fait la promotion de l’hydroxychloroquine, « sans qu’aucune donnée acquise de la science ne soit clairement établie à ce sujet, et en infraction avec les recommandations des autorités de santé ».
La Société de pathologie infectieuse de langue française, regroupant des professionnels de la santé, a déposé plainte contre lui et réclame sa radiation.