Bois Sacré : Nathalie Bicais en appelle au chef de l’État
Déjà opposée au projet de 350 logements sur la corniche, la maire a découvert dans le dossier des points « aberrants ». Incapable d’empêcher, seule, sa réalisation, elle interpelle le président Macron
Un scandale ». Sur les hauteurs de la corniche Giovannini, au coeur d’un site qui offre un superbe panorama sur la rade de Toulon, Nathalie Bicais a révélé, hier matin, des aspects du dossier qu’elle dénonce à voix haute. Du « double langage » du groupe Total (propriétaire du terrain) à « la complicité de l’Etat », la maire de La Seyne cherche par tous les moyens à s’opposer au projet visant à construire 350 logements (dont 30 % de sociaux) sur ce site « exceptionnel » .Maisilya urgence : les recours ayant été purgés en début d’année, le projet arrive en phase de réalisation. « Quand j’ai pris mes fonctions début juillet, relate Nathalie Bicais, j’étais persuadée que cette opération était lancée. Or durant l’été, nous avons appris que la vente du terrain au promoteur Constructa n’a pas encore été réalisée. Total a en effet adressé à la Ville la “déclaration d’intention d’aliéner” (DIA) » - procédure par laquelle un propriétaire doit demander à la collectivité si elle veut acquérir le bien qu’il compte vendre. Mais le prix étant fixé à 10,5 millions, la Ville est dans l’incapacité d’exercer son droit de préemption.
« La complicité des services de l’Etat »
Par ailleurs, en regardant les détails du projet, poursuit la maire, « on découvre que le projet immobilier – auquel j’ai toujours été opposée car il n’est pas adapté au territoire et priverait les Seynois d’un site magnifique – prévoit que les immeubles en R + 6 (plus de 20 m de haut) seront collés à la corniche. Et ce… à cause de la pollution laissée au coeur du terrain ! Du coup, on réalise que Total vend un terrain industriel (qui a hébergé des cuves d’hydrocarbures pendant des années) à un promoteur mais sans faire la dépollution nécessaire à un projet d’habitation ». Parallèlement, Nathalie Bicais s’aperçoit que la partie polluée a fait l’objet “d’une servitude d’intérêt publique” acceptée par l’État en
(1) 2007. Et ce, « afin de neutraliser la partie hautement polluée et dédouaner Total de ses obligations. Résultat : ce terrain, qui comporte une zone impropre à l’installation humaine, est vendu avec la complicité des services de l’État pour faire des logements ». Autre aspect « choquant » dénoncée parlamaire: « Total communique pour dire qu’il est un groupe vertueux, qu’il se soucie de l’avenir de la planète et de ses habitants. Or ce qu’il fait ici est inacceptable ! ».
« Corriger les obligations faites à Total »
En réaction, la maire a écrit au préfet début août (2), « mais je n’ai pas eu de réponse », dit-elle. Du coup, elle vient d’adresser un courrier au Président de la République. Elle y évoque l’intérêt de préserver le terrain d’une forte urbanisation, arguant qu’il s’agit « d’une des plus belles corniches panoramiques du Var », « un paysage méditerranéen rare ». Aussi demande-telle au chef de l’État « de prendre part au combat contre le bétonnage aveugle de la côte varoise. » En outre, Nathalie Bicais demande à Emmanuel Macron d’intervenir « pour qu’une enquête administrative révèle et corrige les obligations faites à Total. (…) Il me faut la force de l’État pour arrêter le processus. J’en appelle à votre haute autorité afin de remettre en cause la servitude d’utilité publique et, ainsi, mettre un terme à la vente du terrain », écrit-elle.
Reste qu’il faut aller vite (la DIA arrive à terme le 14 octobre). Mais seule, la ville n’a pas les moyens de refuser à un promoteur de bâtir sur un terrain privé s’il respecte les prescriptions d’urbanisme (ce qui est le cas puisque le projet est conforme au PLU modifié sous la mandature précédente).
« Gagner du temps »
De son côté, le Conservatoire du littoral ne pourrait préempter car il s’agit d’une zone classée “à urbaniser”. « On a ouvert une discussion avec l’Etablissement public foncier pour un projet alternatif, mais on est très court par rapport aux délais, précise Nathalie Bicais. On a aussi demandé l’évaluation du terrain par les Domaines, dans l’éventualité d’un achat par une collectivité ou un établissement public. Ce faisant, on cherche des moyens de gagner du temps ». « Je ne peux pas laisser installer des gens sur des terrains pollués où ils seraient exposés à un risque sanitaire. Si le projet se réalise, rien n’empêchera les enfants de la résidence d’aller jouer sur la partie polluée. Entre cet aspect et la bétonisation du littoral, conclut la maire de La Seyne, c’est un combat de société que nous menons ». 1. Cette limitation administrative interdit au promoteur de construire dans la partie de terrain concernée. 2.Avec copie à la ministre de la Transition énergétique, au ministre chargé de la participation citoyenne, aux députées du Var Emilie Guérel et Cécile Muschotti, et au président de TPM Hubert Falco.