Liban : le Premier ministre désigné jette l’éponge
Le Premier ministre libanais désigné a annoncé, hier, renoncer, faute de consensus, à former un nouveau gouvernement destiné à sauver le pays d’une des pires crises économiques de son histoire près de deux mois après l’explosion au port de Beyrouth. « Je m’excuse de ne pas pouvoir poursuivre la tâche de former le gouvernement », a déclaré Moustapha Adib lors d’un point de presse au palais présidentiel, présentant ses excuses aux Libanais pour son « incapacité » à réaliser leurs « aspirations à un gouvernement réformiste ».
Obstination du Hezbollah et Amal
Les partis politiques libanais s’étaient engagés début septembre, lors de la visite du président français Emmanuel Macron, à former un cabinet « de mission » composé de ministres « compétents » et « indépendants » dans un délai de deux semaines pour sortir le pays du marasme économique. Mais « alors que les efforts pour former le gouvernement touchaient à leurs fins, il m’est apparu clairement que ce consensus n’existait plus, et qu’une équipe (ministérielle) selon les critères que j’ai fixés était déjà vouée à l’échec », a justifié M. Adib.
Le gouvernement libanais a démissionné à la suite de l’explosion dévastatrice au port de Beyrouth le 4 août qui a fait plus de 190 morts et plus de 6 500 blessés, ravageant aussi des quartiers entiers de la capitale. Nommé le 31 août, Moustapha Adib était sous pression pour former un gouvernement au plus vite, de façon à lancer les réformes réclamées par la communauté internationale pour débloquer des milliards de dollars d’aide. Ses efforts ont toutefois été entravés par un système de partage communautaire du pouvoir, en vigueur depuis l’indépendance, et plus spécifiquement par les revendications de deux formations chiites, le Hezbollah, poids lourd de la politique libanaise, et son allié Amal, dirigé par le chef du Parlement Nabih Berri, qui réclamaient le portefeuille des Finances.
Selon des observateurs, l’obstination du tandem chiite est liée aux récentes sanctions américaines contre un ministre du parti Amal et deux compagnies affiliées au Hezbollah.
Fin de l’initiative française ?
De son côté, le président Michel Aoun a « accepté » le renoncement de M. Adib, affirmant qu’il « prendra (it) les mesures appropriées conformément aux exigences de la Constitution » pour désigner un nouveau Premier ministre. « L’initiative lancée par le président français Emmanuel Macron est toujours en cours et bénéficie de tout mon soutien », a assuré M. Aoun en référence à la feuille de route mise en place par Paris pour la sortie de crise. L’initiative française « doit se poursuivre car elle exprime l’intention sincère de l’État français ami et du président Macron personnellement de soutenir le Liban », a souligné pour sa part M. Adib.
« Vous vous en mordrez les doigts »
Dans les milieux politiques, diplomatiques et sur les réseaux sociaux, les réactions, souvent virulentes, ne se sont pas fait attendre. « Il est regrettable de contourner l’opportunité qui s’était offerte au Liban », ont déploré les anciens Premiers ministres Fouad Siniora, Tamam Salam et Nagib Mikati dans un communiqué commun. « Nous disons à ceux qui applaudissent aujourd’hui la chute de l’initiative du président français Emmanuel Macron, que vous vous en mordrez les doigts », a averti de son côté l’ancien Premier ministre Saad Hariri, qui avait rendu son tablier en octobre dernier sous la pression de la rue. L’Elysée, qui a multiplié les contacts téléphoniques avec Beyrouth ces dernières semaines, ne cache pas son irritation. « C’est une trahison collective des partis libanais, estime-t-on dans l’entourage d’Emmanuel Macron. Le Président s’exprimera sur le Liban aujourd’hui lors d’une conférence de presse.