Le Jardin des Rolliers MARAÎCHAGE SOLIDAIRE
À Pierrefeu depuis juin 2017, un hectare de terre est cultivé pour y faire pousser fruits et légumes. L’exploitation a une spécificité : c’est un chantier d’insertion.
Le ciel bleu est au rendez-vous. Ça change de la veille où l’orage n’a fait que gronder. La jeune chienne Sacha, gardienne des lieux, est plus rassurée. Elle accueille avec effusion tout visiteur en approche. La matinée s’écoule calmement au Jardin des Rolliers. Chacun vaque à sa tâche. La bêche est sortie pour travailler la terre avant de planter des choux. Les gants sont passés pour arracher les mauvaises herbes. Les cagettes se remplissent de courgettes et autre blettes. Adrien Perez et son équipe cultivent un hectare de terre. Le jeune agriculteur tient à le préciser : « Nous ne faisons que des produits de saison et en pleine terre. » Cela fait deux ans maintenant qu’il est responsable des lieux. Le maraîchage est une reconversion. Une reconversion qui sonnait comme une évidence. S’il était avant dans le bâtiment, sa famille travaille la terre depuis toujours. « C’est un peu un retour aux sources », rigole-t-il.
Dimension sociale
Sauf qu’ici, il ne se contente pas de semer, planter et récolter. Il a un rôle social. Un rôle d’encadrant. Puisque le Jardin des Rolliers est un chantier d’insertion. Le projet est né d’une collaboration fructueuse
entre l’Association de Services pour l’Inclusion (Aspi), la Ville de Pierrefeu et l’hôpital psychiatrique Henri-Guérin. « L’établissement avait deux hectares en jachère, se souvient Cécile Cervoni, directrice adjointe de l’association. L’idée a germé d’en faire quelque chose d’utile. »
Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec le concept, il s’agit d’un dispositif qui permet de remettre un public en difficulté (chômeurs longue durée, porteurs de handicap…) sur le chemin de l’emploi. Au Jardin des Rolliers, les employés apprennent un certain savoir-faire mais surtout à se confronter à un cadre, des horaires… En un peu plus de trois ans d’activité, ils sont une trentaine à avoir travaillé du côté de Pierrefeu. Ils restent généralement entre 4 et 24 mois. « Nous accueillons des personnes de tout âge. Aussi bien des hommes que des femmes », assure Adrien. Cécile, elle,
précise : « Comme nous sommes liés avec l’hôpital, nous intégrons également deux de leurs patients stabilisés. »
En ce moment, ils sont huit, en comptant
Adrien, à s’occuper de la terre. Semis, traitement, repiquage, récolte… ils font tout de A à Z sous la houlette de leur responsable. D’ailleurs, le matin de notre visite, Jacques est en train de préparer la ligne avant de planter les choux. À 61 ans, cela fait quasiment deux ans qu’il travaille ici. « Avant j’étais dans la maçonnerie mais j’ai dû arrêter à cause de mes problèmes de dos. » Il lui reste quelques mois à tirer avant de profiter pleinement de sa retraite. Il est ravi de les passer au grand air. « J’adore travailler dehors et le contact avec la nature. Je prône un retour à la vie simple, saine. Il faut apprendre à préserver la terre. Alors ici, quelque part, je me sens utile », confie-t-il entre deux coups de pelle. Pour pouvoir intégrer le chantier d’insertion, les candidats doivent être envoyés par Pôle Emploi, une Mission locale, le conseil départemental… « Après, nous discutons avec eux et selon leurs affinités, nous les dirigeons vers tel ou tel chantier, développe Cécile Cervoni. Forcément pour ici, il faut aimer la nature. » « C’est une évidence, renchérit Adrien. Il
faut aussi être minutieux, attentif et observateur également. Et puis aimer le travail en équipe. »
Pas de quoi effrayer Pascal, 52 ans. Lui qui exerçait dans la tôlerie auparavant, maîtrise parfaitement la chose. C’est une maladie professionnelle qui l’a amené à changer de voie et de région. Avant, il habitait dans l’Isère. De l’agriculture, il n’y connaissait rien, ou presque. « J’ai toujours bien aimé jardiner chez moi mais franchement ça n’a pas grand-chose à voir ! Ici, j’apprends beaucoup. C’est très intéressant professionnellement parlant. » De
là à envisager une reconversion ? « Ça me plairait beaucoup mais malheureusement les débouchés sont assez limités dans le coin », estime-t-il, fataliste. Intégration par le travail
Marie-Camille, 25 ans, souligne, elle, tous les bénéfices de cette activité sur sa vie quotidienne. « Ça m’aide beaucoup de venir travailler ici. Ça m’occupe et j’ai l’impression de faire quelque chose d’utile. J’apprends à faire un métier auquel je ne connaissais rien auparavant et ça, j’aime bien. » La jeune femme
affiche un large sourire. « C’est juste incroyable de voir l’évolution, de la graine jusqu’à la plante qui pousse », s’amuse-t-elle.
Marie-Camille : « Ici, je me sens utile. »
Les employés du chantier travaillent vingt-deux heures par semaine. «Du
coup, il y a pas mal de turn-over, reconnaît Adrien. Il faut se renouveler tout le temps. Mais c’est ce qui est motivant aussi. Au Jardin des Rolliers, la notion de partage est primordiale. Le côté humain est très gratifiant. C’est une aventure humaine. » Et le jeune agriculteur, l’affirme, c’est aussi l’une des raisons qui lui a fait accepter le job. L’ambiance est effectivement bon enfant. La bienveillance semble guider le projet. Et ce, depuis ses débuts. «Il
s’agit d’un élan collectif, assure la directrice adjointe de l’Aspi. La solidarité joue un grand rôle. On nous a donné des outils, un agriculteur nous a prêté un tracteur, le personnel de l’hôpital nous
donne des conseils… » Comme pour appuyer ses dires, voilà qu’apparaît le responsable de la ferme pédagogique de l’hôpital. Il est passé faire un petit coucou à l’équipe. En aparté, Cécile
ajoute : « Il nous a vraiment beaucoup aidés lors de la mise en place du chantier. »
Vers le label bio
D’autant que l’insertion n’est pas la seule « spécialité » du jardin. Les maraîchers cultivent au naturel. « Nous ne traitons rien, explique Adrien. Pour lutter contre les ravageurs, nous avons opté pour la technique de bandes fleuries. L’idée, c’est de maximiser la biodiversité. Nous sommes également friands des cultures associées. Par exemple, à côté des tomates, nous mettons du basilic et de l’oeillet d’Inde. Cela permet d’éviter les attaques. On essaye de décliner ce système au maximum. L’association entre carottes et poireaux est aussi très efficace. » Tout est bio alors ? « Dans les faits oui, mais il nous manque encore le label. » Un détail qui devrait se régler d’ici quelques semaines. « Son obtention va nous permettre d’avoir d’autres débouchés, poursuit Cécile. Nous allons pouvoir, par exemple, solliciter les magasins bios pour vendre nos produits. »
Aujourd’hui, le chantier d’insertion est loin d’être bénéficiaire. « Parfois, nous faisons même de la surproduction, affirme-t-elle. Et si nous ne cherchons pas à faire des bénéfices, puisque nous sommes une association, il est important que le Jardin des Rolliers soit au maximum une opération blanche. » Pour l’instant, les bons fruits et légumes
made in Pierrefeu sont vendus sur place au personnel de l’hôpital, mais aussi à l’épicerie bio Terres de Potage dans le village. Et puis il y a des paniers que les clients peuvent commander. Ils sont livrés à Pierrefeu mais aussi à Six-Fours, au siège de l’Aspi. « Ponctuellement aussi, nous collaborons avec la cantine de l’hôpital. Nous voulons développer cette collaboration et celle avec les collectivités d’une manière générale. » L’équipe croit à fond en son développement. L’ambition pousse aussi au Jardin des Rolliers !
« Nous ne traitons rien, il ne manque que le label bio. »