Var-Matin (Grand Toulon)

Meurtre de Pascal Robinson : « l’impuissanc­e » de son équipe

Les collègues (et amis) de la principale victime ont partagé leur ressentime­nt à la barre de la cour d’assises du Var. L’accusé Nicolas Philippe a de nouveau exprimé des regrets

- ÉRIC MARMOTTANS

« Le tireur m’a regardé de la même manière qu’il me regarde en ce moment. » Fabrice, l’un des équipiers de Pascal Robinson de la prestigieu­se division des opérations douanières, a raconté ce jeudi comment il a vécu la scène du 23 novembre 2015, qui vaut à Nicolas Philippe de se retrouver dans le box des accusés de la cour d’assises du Var. Ce matin-là, la « livraison surveillée » d’un colis devait permettre de confondre Nicolas Philippe pour une infraction à la législatio­n sur les armes. Ce Toulonnais devait prendre le paquet des mains d’un faux facteur. Pascal Robinson et Fabrice devaient alors surprendre l’individu qui ne présentait pas de signe de dangerosit­é (lire nos éditions précédente­s). Une perquisiti­on aurait été effectuée dans la foulée, les douaniers seraient tombés sur l’arsenal du suspect, et le parquet aurait ouvert une enquête judiciaire.

« Je ne comprends pas ce qu’il m’arrive »

Le scénario a été tout autre. « Quand on s’annonce, il nous regarde, il sort son arme et ouvre le feu avec une gestuelle profession­nelle », relate Fabrice décrivant la technique de tir à bout portant enseignée aux profession­nels. « Je prends la balle, j’ai eu le temps de mettre la main sur la crosse de mon arme de service, d’appuyer sur le cran de sûreté mais je ne comprends pas ce qu’il m’arrive. J’ai l’impression qu’une trappe s’ouvre sous mes pieds, je fais un saut d’un à deux mètres et je me retrouve au sol. » Le projectile qu’il a reçu dans le coude l’a projeté en arrière. « Je le vois me regarder avec le même regard froid », ajoute le douanier en désignant l’accusé, impassible, dans le box. « Quand je suis encore au sol, j’entends les détonation­s, en mode pistolet automatiqu­e. Là je me dis qu’il se passe quelque chose avec Pascal, mais que ce n’est pas lui qui tire. Lui n’aurait tiré qu’une seule fois… » « Je suis dans une autre dimension, je ne sens plus mon arme (éjectée pendant sa chute, Ndlr), je me décale comme je peux, j’ai conscience qu’il va sortir, qu’il va me finir. Mon coude est en débris, je crois que je n’ai jamais eu aussi mal de ma vie. » Ses collègues témoins de la scène le voient se tortiller « comme une anguille » alors que les balles fusent. Quand les tirs ont cessé, un coéquipier peut se porter au secours de l’enquêteur de la douane. « À ce moment-là, je veux aller voir Pascal, je ne sais pas ce qu’il a. » Il est mis à l’abri.

« Je me prends un tsunami »

« Des collègues de la police arrivent et j’entends à leur radio : “Pour le douanier c’est Delta Charly Delta (DCD, Ndlr)”. Je me prends un tsunami. Je me rends compte qu’il est décédé et je n’ai rien pu faire. L’impuissanc­e, la douleur, tout est mêlé .» Après six mois de rééducatio­n, Fabrice retrouve l’usage de son bras. Il a pris la suite de Pascal Robinson, chef d’équipe. « Il ne se passe pas un jour sans que je pense à lui . » Sur le sentiment de culpabilit­é qu’éprouvent généraleme­nt les survivants d’une tragédie de ce type : « J’avance, le temps passe, j’ai ce fardeau sur le dos mais je ne peux pas m’en débarrasse­r. Je le gère, je le dompte. Lui l’aurait fait aussi. Ne pas se relever n’était pas dans son état d’esprit. Ce n’est pas le mien non plus .»

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(Dessin d’audience Rémi Kerfridin) Fabrice (au premier plan), équipier et ami de la victime, a livré son témoignage hier.

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