Barbara Pompili : « Ce qui s’est passé peut se répéter »
Après le passage dévastateur de la tempête Alex, la ministre de la Transition écologique évoque la lutte contre le dérèglement climatique et la mise en oeuvre d’une « culture du risque »
La ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a accompagné Emmanuel Macron, mercredi, dans sa tournée des vallées azuréennes. «Ilfauttirerdes conséquences de ce qu’il s’est passé, mais il faut d’abord que les personnes dans la difficulté retrouvent la vie la plus normale possible et je veux remercier tous ceux qui se sont battus sous la pluie battante pour aider les autres », tient-elle à préciser.
Dans le drame que viennent de connaître les Alpes-Maritimes, quelle est la part de la fatalité et celle de l’inertie des pouvoirs publics ces dernières décennies ? Vous posez la question de l’anticipation des effets du réchauffement climatique. Il y a eu plusieurs temps ces dernières décennies. Un temps de négation du problème d’abord. Depuis quelques années, une prise de conscience s’est opérée et les réglementations se sont adaptées. Mais il reste une culture du risque à mettre en place. Les gens doivent se rendre compte de la réalité climatique à laquelle nous sommes confrontés. La responsabilité, en tout cas, est collective. Tout le monde s’accorde désormais sur le diagnostic, on va donc pouvoir avancer plus vite.
Reconstruire autrement, de façon plus résiliente, comme l’a dit Emmanuel Macron, ça signifie quoi, concrètement ? Ça signifie que chaque fois que l’on construira un bâtiment ou une infrastructure, il faudra avoir bien en tête que ce qui vient de se passer peut se répéter. Le dérèglement climatique a cette conséquence que les événements violents vont être de plus en plus fréquents et, malheureusement, de plus en plus sévères. En moins de heures, il est tombé autant de pluie qu’en six mois dans les Alpes-Maritimes, c’est un record absolu ! Au cours des dernières décennies, les fortes pluies se sont accentuées de %. Cela doit être pris en compte quand on construit, dans les Alpes-Maritimes comme ailleurs, un quart de la population française étant concerné par ces phénomènes. Les inondations coûtent déjà au pays millions d’euros par an. On ne peut plus faire l’économie de l’anticipation, qui sera de l’investissement pour l’avenir. Construire en tout bord de rivière relève de l’inconscience. Les plans de prévention qui cartographiaient déjà ce genre de risque vont devoir être généralisés et il va falloir construire ou mettre en sécurité des habitations. Nous devons avoir une culture du risque qui nous permette de prendre des précautions préalables et d’être prêts à résister à des événements climatiques extrêmes.
Qui peut bénéficier du Fonds Barnier et pour quoi faire ? Le Fonds Barnier sert de deux manières, en prévention et en réparation. Dans le cadre des Programmes d’actions de prévention des inondations (Papi), il permet de financer des digues ou autres projets portés par les collectivités pour sécuriser leur territoire. Il peut servir aussi à des particuliers pour protéger leur maison : remonter la chaudière à l’étage ou ce genre de travaux, qui peuvent être financés à hauteur de %. Le Fonds Barnier sert par ailleurs après coup, pour aider des personnes dont la maison n’est plus habitable et qui vont devoir s’installer ailleurs. Il permet alors de payer aux sinistrés le prix de leur maison perdue, pour qu’ils puissent se reloger. Le Fonds est aujourd’hui doté de millions d’euros. Il a été augmenté de % par l’État cette année. Et suite à la tempête du octobre, millions en sont spécifiquement affectés au profit des Alpes-Maritimes.
Avant le drame, beaucoup de maires demandaient un assouplissement de la règle du « zéro artificialisation nette ». Comment prendre en compte le risque et permettre aux communes, rurales notamment, de se développer malgré tout ? Malheureusement, ce genre d’événement remet un peu les idées en place. L’artificialisation, la bétonisation disons-le, est un facteur aggravant des effets du changement climatique. Les endroits où l’eau ruisselle, faute de pouvoir pénétrer dans le sol, génèrent des montées d’eau énormes. Des sites où les rivières ont été canalisées n’ont pas laissé la possibilité aux champs voisins de jouer leur rôle d’éponge. Ces points ont été identifiés pour aider les collectivités à revenir sur les erreurs du passé : on reméandre les rivières, on remet des haies pour éviter le lessivage des terrains. Tout le monde a bien compris, à présent, qu’il faut en finir avec l’artificialisation. Aujourd’hui encore, on artificialise l’équivalent de la surface d’un département tous les huit ans. Et il faut sortir des idées reçues : l’artificialisation n’est pas forcément liée aux besoins en logements, elle continue à augmenter y compris dans des départements où l’on perd de la population. Ceci posé, comment aider les maires qui ont besoin de développer leur commune ? L’État le fait financièrement d’abord. Dans le plan de relance, il y a un Fonds friches de millions d’euros destiné à soutenir les maires à réhabiliter des friches, plutôt que de construire sur des terres libres. Nous travaillons aussi à voir comment construire un peu plus en hauteur, de la ville sur la ville ou du village sur le village, plutôt que toujours s’étaler davantage.
Pourra-t-on mieux anticiper les catastrophes par de nouveaux moyens technologiques à l’avenir ? Outre ce qui est fait en matière de plans de prévention et de règles de construction, il faut aussi anticiper avec la météo. Nous avons ainsi financé un supercalculateur en investissant millions pour multiplier par cinq les capacités de calcul et de prévision de Météo France. Cela permettra de gagner jusqu’à six heures. C’est capital, car le fait d’anticiper sauve des vies. On l’a vu la semaine dernière. En classant le département en vigilance rouge, Météo France a donné un temps d’avance qui a permis au préfet de faire fermer les écoles, de mettre un certain nombre de personnes en sécurité et d’éviter ainsi des morts. On va aussi faciliter l’accès Internet à des services de vigilance des crues pour que chacun puisse évaluer, tout près de chez lui, jusqu’où et de quelle façon l’eau risque de monter.