Numérique à l’école : les leçons du confinement
Quels bénéfices la pédagogie peut-elle tirer des nouvelles technologies ? Les acteurs régionaux de l’éducation ont tenté de répondre à cette question toute la semaine. Conclusion dans le Var
Quelles leçons peut-on tirer de l’utilisation, durant le confinement, de l’outil numérique dans le domaine de l’éducation ? La réponse était attendue, hier au lycée Jean-Moulin de Draguignan, par Bernard Beignier, recteur de Région académique Provence-Alpes-Côte d’Azur, et Richard Laganier, recteur de l’académie de Nice, à l’occasion des états généraux du numérique territorialisé. Partout en France, les acteurs de l’éducation ont planché sur le sujet… En région Sud Paca, plusieurs ateliers ont été mis en place toute la semaine. « L’objectif, c’est d’obtenir une grille d’analyse pour un diagnostic partagé à l’échelle nationale », a expliqué Richard Laganier. Avant la restitution du fruit des réflexions des différents groupes de travail (les 4 et 5 novembre à Poitiers), était organisé hier un « moment conclusif », sous forme d’une table ronde, animée par Denis Carreaux, directeur des rédactions de Nice-matin, partenaire de l’opération.
◗ Les enseignements
Le but : observer les aspects de la problématique sous le prisme d’un regard expert. Devant un parterre d’enseignants, directeurs, proviseurs, parents ou élèves, le débat sociétal a été mené avec application et sérieux. Pour Bernard Beignier, l’enseignement principal du confinement se résume en une constatation : «Le navire tient bon. » En clair, l’homme estime que l’institution Éducation nationale a su s’adapter. « En moins de 48 heures, en mars dernier, nous avons été mis au défi d’improviser. » Et force est de constater que les enseignants ont souvent su relever le défi, ainsi que l’explique Laurent Heiser, responsable du centre de formation des profs de La Seyne : « Des enseignants ont monté, pendant le confinement, leur chaîne YouTube, afin de garder le lien avec les élèves. » Mais l’enseignement majeur, aux yeux de Gérard Giraudon, directeur de recherche, c’est la prise en compte de la problématique. « Les gens ont enfin pris conscience qu’il y avait là un vrai sujet. » La tenue même de ces états généraux ne pouvant que lui donner raison.
◗ Les limites
Pour faire vite, elles sont matérielles, et humaines. Matérielles en cela que la fracture numérique existe, et qu’espérer la combler par un achat massif de tablettes ne semble pas, selon plusieurs intervenants, être la seule solution. Un débat né du plan de déploiement de ces outils, menée par la Région, et à destination des enseignants et lycéens. Margarida Romera, directrice du laboratoire d’innovation et numérique pour l’éducation, estime que l’uniformisation des moyens n’est pas souhaitable. « Les pratiques sont multiples, il faut laisser le choix aux enseignants entre plusieurs solutions. » Et plus largement :«Ilne suffit pas d’équiper une école pour que le numérique devienne une pratique courante. » Pour défendre la politique menée par la collectivité, Eric Mazo estimait qu’il s’agissait de mettre sur un pied d’égalité tous les élèves de la région. Une affirmation mise à mal par un collectif d’étudiants, créateur d’une plateforme d’entreaide sur Internet, Nous sommes demain : « Quand on devient producteur de contenu, c’est-à-dire pour rédiger des textes, l’outil proposé par la Région n’est pas adapté. On aurait aimé être consultés… » Les limites humaines, elles, résultent du déficit de formation de certains enseignants, ou parfois de l’attachement à des pratiques “classiques” qu’il s’agit, ainsi que le formule Laurent Heiser, « de bousculer ».
◗ Les perspectives
Côté experts, la réunion ouvre des possibilités qu’il s’agit désormais d’explorer. « Le numérique permet par exemple un apprentissage personnalisé, qui s’adapte à l’apprenant, lance Gérard Giraudon. Le prof devient animateur de sa communauté d’étudiant. » Plus pragmatique, Michel Durampart, professeur et chercheur, souligne qu’« il ne s’agit pas de numériser la pédagogie, mais de “pédagogiser” le numérique ». Plus concrètes, les propositions faites en ateliers ont été relevées par Juliette d’Angelo, représentant la Banque des territoires, partenaire financier des collectivités : création d’une plateforme nationale commune entre enseignants et parents, création d’une plateforme de référencement des outils d’enseignements pour les profs, accompagnement des futurs enseignants avec une mallette numérique fournie (ordinateur, guide des bonnes pratiques)… Des propositions déjà entendues ailleurs. Reste d’autres pistes, évoquées seulement en Paca : état des lieux des outils numériques dans les établissements scolaires, création d’un syndicat mixte départemental pour mutualiser les achats, aide aux entreprises qui innovent dans la création d’outils numériques… Autant d’idées qu’il s’agira de défendre à l’échelon supérieur.