Var-Matin (Grand Toulon)

Au musée Matisse le bonheur est dans le prêt

À travers l’expo Les murs reculent, montée grâce à de nombreux prêts, on peut voir comment le travail d’Henri Matisse entre en résonance avec celui d’artistes de la deuxième moitié du XXe siècle.

- JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr

Comment éviter de se retrouver pendant plusieurs mois avec des murs dégarnis ? C’est une question qui a trotté dans la tête de Claudine Grammont, la directrice du Musée Matisse. Pour permettre le bon déroulemen­t d’une rétrospect­ive consacrée au maître au Centre Pompidou (à partir du 21 octobre à Paris), son établissem­ent a prêté une quinzaine d’oeuvres de premier plan. Alors, il a fallu se creuser les méninges et composer avec les contrainte­s inhérentes à la situation sanitaire. Voilà le contexte dans lequel l’exposition Les murs reculent avulejour.

Citation éclairante

Son titre fait référence à une phrase d’Henri Matisse adressée à son gendre, le critique d’art Georges Duthuit, à propos du fauvisme : « Les couleurs étaient destinées à rendre le choc d’un spectacle sur nos sens. C’était la première étape. La sensation dominait mais nous gardions la préoccupat­ion du fait que son

Une oeuvre de Bernar Venet, Position Of Two Majors Arcs of .° Each, est présente dans l’exposition Les murs reculent. Pour l’artiste âgé de  ans, être accroché près de celui qu’il considère comme une référence est un véritable honneur. Plus jeune, il a souvent visité ce musée niçois, pour « prendre des leçons, des gifles même ! » Bien que le lien entre leurs styles ne saute pas aux yeux, Bernar Venet estime lui devoir beaucoup. « À onze ans, j’ai découvert le mot “artistes”. Rapidement, ma mère m’a acheté une petite collection de livres de poche, il y en avait un sur rendu portait dans l’espace. Un tableau impression­niste procède de la même tendance, au départ, mais il exige d’être regardé dans son cadre. Notre toile introduit un nouvel élément dans la pièce où elle entre. L’éclairage se trouve modifié. Les murs reculent... » Pour élaborer cette exposition, les « voisins » niçois du Mamac ont été sollicités, tout comme la Fondation Marguerite et Aimé Maeght, la galerie Catherine Issert (Saint-Paul-de-Vence), l’Espace de l’art concret (MouansSart­oux),

Matisse. Avec lui, j’ai découvert un autre monde, moi qui étais destiné à travailler dans une usine, comme mon père et mon grand-père. Découvrir Matisse fut un choc. J’étais subjugué par la liberté qu’il prenait, en déformant les visages, les corps. J’ai compris que l’art n’était pas fait pour la représenta­tion. Un tableau devait être en soi une chose importante. J’ai compris ça grâce à lui et Cézanne. Je ne suis pas parti dans la même direction que Matisse, parce que la couleur n’était pas mon truc. Mais pour le travail du dessin, des formes et sa liberté, c’est un grand maître. » ou encore de la galerie Ceysson & Bénétière. Certains artistes, à l’image de Bernar Venet (lire ci-dessous), ont directemen­t été sollicités. Même chose avec d’importants collection­neurs. « On utilise souvent le mot “résilience”, mais il est très approprié ici. Il a fallu inventer à partir de rien, avec des contrainte­s de calendrier qui n’ont cessé de changer. Pour parvenir à monter cette expo, on a pu compter sur une réelle solidarité, développer d’autres stratégies, oublier certains réflexes », énonce Claudine Grammont.

Dialogue ininterrom­pu

Les visiteurs, eux, se soucieront sans doute peu de toutes ces péripéties. Mais ils pourront voir de quelle manière Henri Matisse, disparu en 1954, a influencé les artistes de la seconde moitié du XXe siècle. En déambulant dans les salles, on peut observer des oeuvres de Jean Arp, Jules Olitski, Frank Stella, Daniel Buren, Pierre Buraglio ou encore Noël Dolla. « Les Américains de la génération d’Ellsworth Kelly [son oeuvre Red, Yellow Blue est présentée ici, en haut à droite, à côté de Danseuse créole, de Matisse, ndlr] ont vu beaucoup de Matisse et ça a beaucoup compté pour eux. La génération française suivante, celle de mouvement Supports/Surfaces, le considère aussi comme une référence. Ce qui les intéresse, c’est la manière dont Matisse travaillai­t l’espace, le rapport de la couleur à l’espace », poursuit la directrice du musée niçois. Qui a finalement pris beaucoup de plaisir dans l’élaboratio­n de ce nouvel accrochage. «Ce qui m’intéresse, c’est de faire dialoguer Matisse avec d’autres artistes. C’est une manière d’assurer son héritage. Vous savez, le musée, c’est quelque chose qui peut “tuer” : quand Matisse a eu sa première rétrospect­ive en 1931, il avait l’impression que c’était un enterremen­t de première classe. »

Musée Matisse, à Nice. Jusqu’au 31 mars 2021. Ouvert tous les jours, sauf le mardi, de 10 h à 18 h jusqu’au 31 octobre, et de 10 h à 17 h du 1er novembre au 30 avril. Tarifs : 10 avec accès à tous les musées municipaux pendant 24 heures ; gratuit pour les habitants de la Métropole Nice Côte d’Azur, les moins de 18 ans, étudiants, demandeurs d’emploi... Rens. 04.93.81.08.08. et musee-matisse-nice.org

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