Var-Matin (Grand Toulon)

Comment améliorer les traitement­s anti-cancer

Pourquoi certaines cellules cancéreuse­s survivent aux thérapies ciblées, sans modificati­on de leurs gènes ? Des chercheurs azuréens ont la réponse

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Chaque année, des milliers de molécules voient leur développem­ent par l’industrie pharmaceut­ique interrompu, faute d’avoir pu fournir la preuve d’une efficacité suffisante. Et avec cette issue, les espoirs de millions de malades atteints de maladies graves s’éteignent. « Le sujet est particuliè­rement sensible dans le champ de l’oncologie, pointe Jérémie Roux, chercheur au CNRS/Ircan à Nice (équipe du Pr Hofman). Plus que pour toute autre spécialité, il est impératif qu’un traitement soit capable d’éliminer le plus grand nombre de cellules cancéreuse­s. Dans le cas contraire, la récidive est presque inévitable. » Pourquoi des cellules sont tuées par les traitement­s anticancér­eux quand d’autres y semblent tout simplement insensible­s ? « On sait qu’intervienn­ent des mutations génétiques expliquant cette résistance aux traitement­s. Mais elles ne sont pas seules à participer à ce phénomène. Très tôt, au sein d’une population de cellules cancéreuse­s en tout point identiques d’un point de vue génétique, on a pu mettre en évidence que certaines cellules soeurs sont éliminées, quand d’autres sont capables de résister au médicament, sans nouvelle mutation génétique. » En cause dans ces différence­s de comporteme­nt, un phénomène encore mal compris aujourd’hui : la variabilit­é naturelle de l’expression des gènes.

Variabilit­é naturelle

La « preuve de concept » a été fournie par les chercheurs grâce à l’étude des effets d’une thérapeuti­que ancienne, le Dulanermin, très intéressan­te puisque ciblant spécifique­ment les cellules tumorales, mais abandonnée parce que jugée insuffisam­ment efficace. « Ce médicament a pour effet de favoriser la mort par apoptose [« suicide », Ndlr] des cellules cancéreuse­s. Le problème, c’est qu’il est très vite métabolisé par l’organisme – mais cette difficulté est en voie d’être résolue – et surtout inefficace sur certaines population­s de cellules. » En étudiant l’action du Dulanermin sur plusieurs lignées cellulaire­s cancéreuse­s, les chercheurs azuréens ont montré que dans les minutes qui suivent l’ajout du traitement, certaines cellules, sans que leurs gènes ne soient modifiés, expriment des niveaux élevés de certaines molécules, qui les protègent de l’action du médicament anticancér­eux. « En utilisant, en combinaiso­n avec ce médicament, des thérapies ciblées contre ces autres molécules surexprimé­es, on améliore nettement la réponse pharmacolo­gique. » Forte de ces observatio­ns, l’équipe de Jérémie Roux a mis au point une nouvelle méthode prédictive nommée « Fate-seq » : « Elle permet d’analyser la réponse des cellules tumorales avant qu’elle ne soit définitive, et met ainsi en évidence les facteurs moléculair­es régulant l’efficacité d’une classe de thérapie ciblée. Ces résultats seront poursuivis avec le déploiemen­t de cette technologi­e innovante à l’échelle d’autres thérapies anticancér­euses, pour proposer des combinaiso­ns thérapeuti­ques et augmenter l’efficacité des traitement­s. » Ces travaux, récompensé­s par une publicatio­n dans la revue Cell Systems, ont abouti au dépôt d’un brevet européen. Si l’industrie pharmaceut­ique les suit avec un immense intérêt, les chercheurs niçois devront dans un premier temps aller plus loin, en créant leur propre entreprise, ce qui leur permettra de tester leur belle découverte à grande échelle.

 ?? N.C.) ?? « Ces différence­s naturelles entre cellules apparemmen­t jumelles limitent l’efficacité des médicament­s et ralentisse­nt le développem­ent de nouvelles thérapies », explique l’équipe de chercheurs (De gauche à droite : Mickael Meyer, Asma Chalabi, Marielle Péré, Ludovic Peyre-Teisseire, Jérémie Roux et Jeremy Gonin).(Photo
N.C.) « Ces différence­s naturelles entre cellules apparemmen­t jumelles limitent l’efficacité des médicament­s et ralentisse­nt le développem­ent de nouvelles thérapies », explique l’équipe de chercheurs (De gauche à droite : Mickael Meyer, Asma Chalabi, Marielle Péré, Ludovic Peyre-Teisseire, Jérémie Roux et Jeremy Gonin).(Photo

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