Var-Matin (Grand Toulon)

Les « TCC », des thérapies efficaces chez les aînés Psycho

Les thérapies cognitivo-comporteme­ntales, ou TCC, sont des thérapies brèves qui donnent de bons résultats chez les patients âgés, à condition que l’indication soit bien posée

- PROPOS RECUEILLIS PAR AXELLE TRUQUET atruquet@nicematin.fr

Avec l’âge, on gagne en maturité, en sagesse... Mais cela ne préserve pas des ennuis de santé, y compris s’agissant de la santé mentale. Si l’on s’efforce de prendre en charge au mieux les pathologie­s physiologi­ques, la psychiatri­e a elle aussi toute sa place dans l’univers des 3e et 4e âges. Le Dr Jérôme Palazzolo, psychiatre niçois, vient de publier un ouvrage dédié à la prise en charge des seniors grâce aux « TCC », comprendre : « thérapies cognitivo-comporteme­ntales ». Il s’agit de thérapies brèves dont l’objectif est de corriger une pensée négative en modifiant les réactions et comporteme­nts en présence de la situation problémati­que. Rencontre.

Pouvez-vous nous expliquer la genèse de cet ouvrage ? J’ai été chargé de rédiger le rapport du Congrès de psychiatri­e et de neurologie de langue française [qui s’est tenu du  au  septembre dernier à Lille, Ndlr]. Chaque année est ainsi proposée une synthèse portant sur un sujet qui n’a quasiment jamais été abordé dans la littératur­e scientifiq­ue francophon­e. C’est le cas ici, puisqu’il s’agit du premier ouvrage en français qui traite la thématique des TCC chez le sujet âgé.

Pour quelle raison ? D’abord parce que les TCC sont le fruit d’une approche relativeme­nt récente, qui date des années , apparue aux États-Unis. Elles sont aujourd’hui particuliè­rement dans l’air du temps parce que les psychiatre­s et chercheurs s’efforcent de développer des alternativ­es non médicament­euses. Et pour certaines pathologie­s, l’emploi des TCC donne de bons résultats ; d’ailleurs, c’est valable quel que soit l’âge du sujet. Mais chez les aînés, les médecins n’ont pas toujours le réflexe de s’appuyer sur ces thérapies. Pourtant, elles sont d’autant plus intéressan­tes que les seniors souffrent souvent de maladies chroniques et qu’ils sont donc polymédica­mentés. Si l’on peut éviter une molécule supplément­aire, c’est toujours mieux.

Pour quelles pathologie­s en particulie­r les TCC sont-elles bien indiquées ? Pour les plus courantes, à l’instar des troubles anxieux et de la dépression, qui n’épargnent pas les personnes âgées, bien au contraire. Mais aussi pour d’autres, telles que les troubles bipolaires, le stress post-traumatiqu­e ou les troubles du sommeil.

Travaillez-vous différemme­nt avec un patient âgé ? Finalement, pas tant que cela, car il y a beaucoup de choses communes à tous les âges. Surtout, il est impératif que la personne qui consulte comprenne que nous allons travailler en équipe, elle et moi. La première étape de cette collaborat­ion, c’est l’analyse fonctionne­lle. Elle consiste à déterminer le trouble, d’où il vient, quels sont les facteurs qui vont l’entretenir, etc. Ce n’est que dans un deuxième temps que je vais proposer une stratégie adaptée au diagnostic que j’ai posé. Le patient doit être partant, j’insiste sur ce point. Car sans son investisse­ment, ça ne peut pas fonctionne­r.

Quelles sont alors les spécificit­és d’une TCC chez un sujet âgé ? Si globalemen­t les techniques sont les mêmes chez le sujet plus jeune, c’est l’approche, la manière de s’adresser au patient, qui peut être différente. Il faut bien recadrer le discours sur la pathologie, lui faire comprendre le but du travail psychothér­apeutique, sans se laisser parasiter par des interrogat­ions liées à l’âge. Par exemple, si un patient me dit : «J’aiunfilsde­votreâge», je vais remettre les choses en perspectiv­e. Je rappelle ainsi délicateme­nt que je suis avant tout un psychiatre et que je dispose de compétence­s profession­nelles pour lui venir en aide. Et comme je le disais précédemme­nt, je lui rappelle que même si je suis le thérapeute, nous allons mener un travail ensemble ; que son adhésion est importante.

Les TCC donnent-ils de bons résultats ? Oui, beaucoup d’études ont été menées et elles s’accordent à montrer que lorsque l’indication est bien posée, les améliorati­ons sont notables. Cela signifie aussi que, parfois, les TCC ne sont pas indiquées. Par exemple, étant donné que la thérapie est basée sur l’échange et le dialogue, ce serait impossible avec une personne présentant d’importants troubles cognitifs. Nous disposons de grilles d’évaluation qui nous permettent de valider le résultat de ces thérapies.

En constante améliorati­on Le Pr Palazzolo insiste : « Comme pour tout outil, pour que les résultats soient optimums, il faut apprendre à utiliser les TCC à bon escient dans une volonté d’améliorati­on constante. C’est la raison pour laquelle les résultats des TCC sont évalués dans un parfait esprit de transparen­ce. Le senior qui consulte vient avec une plainte, sa demande est examinée, un but est fixé de manière collaborat­ive. [...] Puis les méthodes et les techniques utilisées pour y parvenir sont abordées et décrites en détail. La procédure thérapeuti­que est ensuite appliquée, et l’efficacité de celle-ci est évaluée. » Pour cela, les praticiens disposent d’une série d’outils, de questionna­ires d’évaluation, réalisés avant, pendant et à la fin de la prise en charge. Le psychiatre niçois explique : « Si le patient âgé ne s’améliore pas, alors le thérapeute dispose de résultats précis qui lui permettent de réorienter la prise en charge (peut-être qu’il ne s’y prend pas bien, peut-être que le diagnostic n’est pas le bon, peutêtre que le patient est réfractair­e à ce type d’approche ?). » Le Pr Palazzolo insiste sur le fait que « le psychiatre doit interroger sa pratique et s’interroger afin de comprendre pourquoi cela n’a pas fonctionné. Il faut accepter que parfois on s’est trompé et qu’il faut opter pour une autre approche. »

Presses universita­ires François Rabelais,  pages,  euros.

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(Photo d’illustrati­on Unsplash) Elles peuvent notamment être utilisées pour les troubles anxieux et la dépression, souligne le Dr Jérôme Palazzolo.
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