Nouveaux horizons pour Elise Bertrand
Âme de nuit, création pour mezzo-soprano et piano de la compositrice varoise Elise Bertrand, 20 ans, est interprétée aujourd’hui sur la scène du Grand Théâtre d’Aix-en-Provence.
Des voix qui se croisent, des instruments qui se répondent : Le Grand Théâtre de Provence, à Aix, bruisse de ce moment privilégié qu’est la création. Ici, plusieurs jeunes artistes se préparent à partager la scène de Renaud Capuçon et Gérard Caussé. Dans l’un des studios Élise Bertrand assiste à la répétition de la mezzo-soprano Adèle Charvet, accompagnée au piano par Théo Fouchenneret. « Adèle et moi avons déjà travaillé la partition, à Paris », confie Élise, sereine. Âme de nuit a justement été écrite par la jeune Varoise. Musicienne, compositrice. Prodige. Elle est la plus jeunes des créateurs invités à insuffler de « Nouveaux horizons » (lire encadré) à la musique classique ce week-end, à Aix-enProvence. Sa partition est présentée lors du concert de cet après-midi. Ses parents seront dans la salle. Élise sourit à cette idée. Magie du moment. La Pierrefeucaine a commencé le piano à l’âge de cinq ans. « Il y en avait un dans le salon, à la maison. Ma mère, mélomane, en jouait, mon frère aussi… » La petite fille se glisse tout naturellement sur le tabouret. L’enfant se révèle très douée. À huit ans, au conservatoire, lorsque l’on lui propose de jouer d’un deuxième instrument, elle se laisse séduire par le violon. « À dix ans, j’avais déjà choisi d’être violoniste. » Déterminée. Un an seulement plus tard, Élise se lance dans la composition. Autodidacte prometteuse. « Ça a commencé par de l’improvisation au piano, et puis j’ai eu envie d’explorer plus mes idées musicales, celles que je voulais exprimer. » Le conservatoire à rayonnement régional de Paris ne lui résiste pas. Elle y entame, à 14 ans, un cursus de trois ans avant de rentrer au conservatoire national. Élève de Suzanne Gessner, elle rencontre également le compositeur Nicolas Bacri, avec qui elle collabore depuis six ans. « Un mentor, un coach, reconnaît la jeune femme de 20 ans. J’ai beaucoup d’affection pour lui et énormément d’estime. Il y a un intérêt profond, professionnellement et humainement. » C’est grâce à lui qu’elle débute son opus 1. Elle en a écrit douze autres depuis. Admise en écriture supérieure au CNSM de Paris, elle est également élève en master de violon. Et mène cette double carrière « avec le plus grand bonheur ». « Ces deux facettes de ma vie se complètent très bien. C’est ainsi que je me sens entière. »
Nicolas Fauré, l’un de ses compositeurs favoris
Rendre hommage aux oeuvres déjà écrites en y mettant sa touche personnelle d’une part, composer en donnant le meilleur de soi de l’autre : depuis 2016, la compositrice est de plus en plus sollicitée. Dernièrement, c’est Jean-Jacques Kantorow qui lui a demandé une pièce pour orchestre à cordes, le concours d’Épinal une pièce pour piano l’an dernier. Élise participera au Festival des forêts (Oise, Hauts-de-France) l’année prochaine.
Elle sourit quand on lui demande ce qui l’inspire, trouve que souvent, les réponses sont clichées : « Pour moi, c’est la musique elle-même ! On part d’un matériau sonore, lyrique, peu importe et, ensuite, on construit la pièce même si d’autres auteurs-compositeurs peuvent vous inspirer c’est vrai… ». Comme Szymanowski, Jacques Ghestem, Jean-Jacques Kantorow, Nicolas Bacri, mais aussi Suzanne Gessner « pour sa personnalité très marquante dans ma vie ». Et d’autres, issus de l’école française à laquelle elle est très sensible : Debussy, Ravel. Et Fauré, l’un de ses compositeurs favoris. « Ses mélodies sont un sommet du répertoire vocal chambriste. Son langage harmonique également. Ça me transcende. J’ai joué plusieurs fois le quatuor pour piano et cordes qui est une de mes oeuvres préférées », Sollicitée par Renaud Capuçon – elle a participé à son concert virtuel « le carnaval des animaux » durant le confinement – pour participer à ce défi de création à Aix, elle a rapidement été séduite par l’idée d’écrire pour piano et voix. « Je me retrouve très bien dans cette écriture, intimiste et qui mêle la poésie et la musique. Ce qui est important, c’est la fusion entre les arts. Cela me permet de me rapprocher plus encore de mon modèle », conclut la jeune femme, déterminée à poursuivre sa voie en jouant des deux talents de sa personnalité. Son concert passé, la jeune viendra se ressourcer à Pierrefeu, dans la maison de son enfance. « On y est entouré d’arbres, de nature, et cette lumière du Var m’apporte énormément en tant que créatrice. J’adore composer là-bas. »
La lumière du Var m’apporte énormément en tant que créatrice”
Dix compositeurs internationaux, quinze musiciens parmi les plus doués de leur génération pour mêler dix créations originales et oeuvres du répertoire : voilà comment sont nés ces « Nouveaux horizons », présentés depuis hier soir sur la scène du Grand Théâtre de Provence, à Aix. Ce projet est porté par le violoniste Renaud Capuçon qui, avec son complice Gérard Caussé, a imaginé aux côtés des quinze interprètes présents. Soutenu par France Musique et Arte concert, ce projet musical est aussi destiné à soutenir les artistes en cette période complexe. Concert aujourd’hui à h (le concert initialement prévu à h est supprimé pour cause de couvre-feu) puis demain dimanche, àheth. Entrée libre sur réservation. Diffusion en direct sur Arte Concert. Programmation et renseignements : www.lestheatres.net