Avancée dans les tumeurs du cerveau de l’enfant
À la une Rompant avec le dogme, des chercheurs niçois montrent qu’un facteur de croissance des vaisseaux lymphatiques a des effets bénéfiques
C’est la tumeur cérébrale la plus fréquente chez l’enfant et la deuxième la plus agressive. Il y a six ans, le petit Flavien, en dépit de traitements très lourds, s’en allait, emporté par cette sale maladie, un médulloblastome (MB). Dévasté par la douleur, son papa Denis s’engageait ce jour-là à tout mettre en oeuvre pour faire progresser la recherche sur les cancers pédiatriques, parent pauvre de la recherche en France et dans le monde. Et il a tenu sa promesse. Chaque année, la Fondation qu’il a créée finance des études scientifiques dédiées à améliorer la connaissance de ces tumeurs heureusement rares, mais qui constituent la pire des injustices pour les familles qui y font face. Parmi les bénéficiaires de ces financements, l’équipe de Gilles Pagès et de sa plus proche collaboratrice, Sonia Martial (IRCAN à Nice) qui vient de publier le résultat d’études très prometteuses dans le champ du médulloblastome. « Faisant tomber un dogme commun, nous avons montré qu’un facteur de croissance des vaisseaux lymphatiques (VEGFC) – qui participent classiquement à la dissémination des cellules cancéreuses dans l’organisme pouvait jouer, lorsque ces tumeurs sont à un stade précoce, un rôle plutôt protecteur en termes de croissance et de diffusion de métastases », résume Manon PencoCampillo, la jeune doctorante qui a réalisé la plupart des expériences.
Inversement proportionnel à l’agressivité
La conclusion de recherches très fouillées qui ont été déclenchées par une simple observation : « En analysant des bases de données (études in silico), nous avons vu que ce facteur, habituellement très péjoratif dans la plupart des tumeurs, semblait plutôt bénéfique dans le cas du médulloblastome. » Interpellée, l’équipe de chercheurs va alors réaliser des études in vitro (sur des lignées cellulaires de médulloblastomes de gravité variable), mais aussi sur des modèles animaux et, en collaboration avec les anatomopathologistes du CHU de Nice, sur des biopsies de tumeurs cérébrales. Parmi lesquelles celles du petit Flavien. « Nous avons montré sur ces trois modèles que le VEGFC est inversement corrélé à l’agressivité cellulaire : il diminue la prolifération et la migration des cellules MB, ainsi que leur capacité à former des pseudovaisseaux in vitro .» En revanche, des niveaux élevés de ce facteur sont retrouvés dans les sous-types de tumeurs cérébrales très agressives. Forts de ces résultats, les chercheurs niçois formulent une hypothèse : « Au stade précoce du développement de ces tumeurs cérébrales, la croissance des vaisseaux lymphatiques sous l’action du VEGFC pourrait être bénéfique en permettant l’arrivée de cellules immunitaires capables de détruire la tumeur. À l’opposé, à un stade plus avancé, lorsque la tumeur a terrassé l’immunité, la croissance de ces vaisseaux permet aux cellules cancéreuses d’essaimer. » La découverte est d’autant plus importante que plusieurs laboratoires dans le monde sont à pied d’oeuvre pour développer des médicaments ciblant ce facteur de croissance des vaisseaux lymphatiques. «Ilseraimportant de les donner aux « bons » patients, pour éviter d’obtenir les effets inverses de ceux escomptés. » Autre application de cette découverte : « Le taux de VEGFC pourrait constituer un facteur pronostique, avec comme corollaire une désescalade thérapeutique en cas de pronostic favorable. » Car si heureusement, 70 % des enfants atteints de médulloblastomes sont guéris, c’est au prix de lourdes séquelles induites par les traitements : chirurgie, radio et chimiothérapie.