Var-Matin (Grand Toulon)

Jours de gloire Lettres à la République

Sous l’impulsion de Sébastien Boudria, un professeur de musique, de nombreux artistes ont enregistré une lecture de textes forts évoquant les valeurs de la République.

- JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr

Sébastien Boudria a grandi à Montreuil, dans un quartier populaire, avec sa maman infirmière. Et, « très tôt » ,ilaeu« conscience de ce que la République (m’) apportait. Je sentais que j’avais une dette envers elle ». « Il y avait l’école publique. Mais aussi les colonies de vacances et l’accès au conservato­ire. La musique, c’est devenu ma raison de vivre, ma passion et mon métier. » Enseignant aux conservato­ires de Clichy et de Colombes, il a eu le déclic après avoir entendu un élève de cette seconde institutio­n. Également compositeu­r et arrangeur, Sébastien Boudria (au centre sur la photo ci-dessus) a monté un projet autour de Serge Gainsbourg avec sa classe, en mai 2014.

Toucher le public le plus large possible

En écoutant un élève slamer sur Aux armes et caetera, il se dit qu’il tient quelque chose, que l’énergie folle qui se dégage de cette interpréta­tion mérite d’électriser d’autres textes. Le prof se lance alors dans une drôle d’aventure. Il commence par éplucher plus de trois cents textes forts en rapport avec la République. Il finit par en retenir dix-neuf. Des discours, des lettres, des textes de loi qu’il souhaite faire lire sur des instrument­aux créés par ses soins. Il y aura la Déclaratio­n des Droits de l’Homme et du Citoyen, La Misère, de Victor Hugo, Tu tomberas content, de Georges Clemenceau. Ou encore Nos vies n’auront pas été vécues en vain, de Georges Danton. La laïcité, l’abolition de l’esclavage, le droit des femmes, la pauvreté, le travail ou encore l’éducation y sont abordés. Tout comme la douleur et la nécessité de rester unis, au travers d’un discours de

François Hollande après les attentats de Paris, en 2015. Ayant la volonté de rendre ces textes « accessible­s au public le plus large possible, surtout à ceux qui n’auraient pas eu l’occasion de les lire autrement », il se dit qu’il faut mettre la main sur « de gros poissons ». Des hommes et des femmes capables de magnifier les mots, de les gorger d’émotion et de justesse.

Au culot, sans contacts ni réseau

C’est alors le début d’un vrai parcours du combattant pour Sébastien Boudria. Sans contacts, ni réseau pour lui faciliter la tâche, notre homme y va au culot. Un soir, à la sortie d’un théâtre, il met le grappin sur Michel Bouquet. « Je patientais derrière les gens qui voulaient une photo ou un autographe, j’avais vingt secondes pour lui exposer mon idée avant qu’il prenne un taxi », sourit l’enseignant. Le comédien donnera son accord, comme bien d’autres artistes (lire ci-dessous). À certains, Sébastien Boudria proposera plusieurs textes. Pour d’autres, son choix sera net et précis. Pour La Marseillai­se, il veut Abd Al Malik, personne d’autre. « Les paroles sont parfois perçues comme violentes, sanguinair­es. Mais une autre musique et sa façon de la déclamer, elle est tout sauf guerrière », résume l’instigateu­r du projet.

Une autre portée désormais

Baptisé Jours de gloire, l’album est sorti vendredi sur le label Pias. Après l’attaque terroriste de Conflans-Sainte-Honorine ayant coûté la vie à Samuel Paty, l’intérêt autour de la démarche de Sébastien Boudria s’est fortement renforcé. Sur le disque, on trouve notamment la Lettre aux instituteu­rs ,de

Jean Jaurès. Celle qui a été lue lundi dernier dans les écoles de France en hommage à l’enseignant en histoire-géographie est ici interprété­e par Oxmo Puccino. François Berléand et Benoit Allemane offrent, eux, leur timbre à un extrait de décret sur l’instructio­n publique, prononcé par Nicolas de Condorcet. Tandis que Matthieu Chedid s’est emparé de la Lettre à Monsieur Germain, rédigée par un Albert Camus tout juste lauréat du Prix Nobel de littératur­e. « Je ne suis pas Camus, mais je me reconnais dans son histoire. Ces rencontres humaines, ces exemples, sont essentiels pour un enfant. Le fait qu’une personne extérieure à votre cercle familial vous transmette sa confiance, cela signifie que la République prend soin de vous », estime Sébastien Boudria.

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