« Ça s’est joué à un cheveu »
Il y a vingt ans, au guidon d’une Yamaha du team varois Tech3, il arrachait le titre mondial 250 en battant sur le fil son coéquipier Shinya Nakano. Olivier Jacque plonge dans ses souvenirs
Olivier, vous n’encombrez pas vraiment les paddocks depuis le virage de la fin de carrière. Que devenez-vous ? Je me suis un peu détaché des Grands Prix, c’est vrai. Après tant d’années passées sur les circuits, en , j’ai eu envie de faire autre chose, de tourner la page. Quand des enfants entrent dans votre vie, les priorités changent. Aujourd’hui, je passe l’essentiel de mon temps à Barcelone. Mon épouse est espagnole. En Catalogne, je m’occupe de mes affaires dans l’immobilier, le tourisme. Mais le Var garde une place importante puisque je possède toujours une maison à Carqueiranne.
Ce octobre synonyme de premier et unique sacre mondial, il vous paraît loin ou c’était hier ? Ça me semble assez loin, à vrai dire. D’ailleurs, si quelqu’un ne m’avait pas rappelé l’autre jour que l’on allait franchir le cap du vingtième anniversaire, pas sûr que je m’en serais rendu compte. Mais le souvenir de cette aventure humaine extraordinaire avec Tech reste bien ancré dans ma mémoire. Une histoire jalonnée de hauts et de bas jusqu’au jour où l’on a réalisé ensemble notre rêve.
D’accord ? En , je manquais encore un peu d’expérience. Il s’agissait de ma première saison au guidon d’une moto d’usine du championnat avec victoire, ndlr) .En outre, la NSR s’avérait complexe à mettre au point. En revanche, tout est réuni sur le papier en . Machine saine, équilibrée, compétitive... Hélas, je me casse la clavicule dès la deuxième course, au Japon. Une blessure qui ne m’empêche pas de figurer en tête de l’épreuve suivante où un pneu déchappé m’empêche de marquer des gros points. Autre motif, même année de malchance
victoires). A mon avis, on avait le potentiel pour coiffer la couronne devant les Biaggi, Waldmann et Harada.
La saison , vous l’entamez dans quel état d’esprit ? Grâce au professeur Saillant, les problèmes physiques à répétition qui me handicapent depuis trois ans sont derrière. Je suis en pleine forme. Enfin ! J’avais gagné l’ultime rester éternellement dans la catégorie intermédiaire. A ans, pas le choix : il faut la saisir !
Quand prenez-vous conscience que c’est la bonne année ? Après les cinq ou six premières courses. Shinya Nakano, mon coéquipier, avait développé la Yamaha au Japon en . Il savait en tirer la quintessence. Si on disposait d’un super package châssis-moteur, de mon côté, je ne l’exploitais pas à fond. Je ne sentais pas bien le train avant, notamment. Il m’a fallu un temps d’adaptation. Une fois atteint son niveau de performance, j’ai compris que c’était possible, à
Le pilote est-il devenu plus gestionnaire, moins flamboyant ? Cette fois-là, j’ai su gérer ma progression, oui. J’avais retenu les leçons du passé. Mais il n’y a pas que le pilotage. Un autre paramètre pèse lourd à mes yeux : notre moto était au dessus du lot. En , seuls Kato et sa Honda parvenaient à résister. Les Aprilia, elles, ne tenaient pas notre rythme. Cravacher la meilleure machine du plateau, ça m’a rendu serein.
En Australie, vous abordez l’ultime échéance avec points d’avance sur Shinya. Ressentez-vous un surcroît de pression ? était excellente. Mais là, on ne se regarde plus, on ne se parle plus. Jusqu’au départ, le temps m’a semblé très long. La course, en revanche, elle m’a parue très courte.
Rester dans sa roue et le doubler à la sortie du dernier virage, c’est un plan réfléchi ? La veille au soir, lors d’un briefing, Guy Coulon me balance : « Il est en pole et toi e. Alors ta stratégie, elle est simple : tu le suis et tu le doubles dans le dernier tour. » Sur le coup, je lui réponds que c’est impossible. Mais l’idée fait son chemin. Banco ! On opte pour plus d’allonge moteur. Au départ, je sais que je vais le battre comme ça, en profitant de son aspiration in extremis !
En franchissant la ligne, vous êtes sûr d’avoir réussi ce pari osé ? Ça s’est joué à un cheveu : millièmes de seconde ! La ligne, on la coupe à environ km/h. A l’instant T, j’ai un flash. Je pense finir premier. Mais une fois relevé, avec Nakano, on se regarde, on s’interroge, on ne sait pas qui a gagné, qui a perdu. En fait, je réaliserai un peu plus loin dans le tour d’honneur, en apercevant un membre de Tech sauter comme un cabri avec un drapeau français en bord de piste. Avant
Comme si je tentais une roulette russe ”