Var-Matin (Grand Toulon)

État dépressif : savoir déceler, prévenir et traiter

- PROPOS RECUEILLIS PAR F. L.

Psychiatre et psychothér­apeute à Nice, le docteur Jérôme Palazzolo donne quelques éléments permettant de déceler les signes d’un état dépressif. Et des conseils de bon sens pour aider à ne pas se laisser embarquer dans une spirale dont il peut se révéler difficile de sortir.

Comment savoir si l’état dépressif nous guette ? La dépression, ce n’est pas du pipeau, mais une vraie maladie. Rien à voir avec un petit coup de blues. Le premier critère, c’est l’intensité. On peut parler de dépression à partir du moment où la personne ressent une tristesse profonde quasiment toute la journée, et de façon continue. Autre symptôme : la diminution marquée du plaisir ou de l’intérêt pour toutes les activités. Quelqu’un qui aime aller pêcher, par exemple, n’en ressent plus l’envie, du jour au lendemain. Il peut y avoir également des fluctuatio­ns de poids dans un sens ou dans l’autre. Et en l’absence de régime, dans le cas d’une perte de poids. Sont souvent associés des problèmes de sommeil. Insomnie ou, au contraire, hypersomni­e. On peut encore évoquer un sentiment de dévalorisa­tion et des troubles de la concentrat­ion. Ce qu’il est important de rappeler, c’est que tous ces symptômes, pris les uns à part des autres, ne sont pas inquiétant­s. Nous avons tous une période où l’on est fatigué, où l’on va moins bien. Le problème se pose lorsque tous ces symptômes sont réunis, et pendant un minimum de deux semaines. Là, oui, on peut parler de dépression.

La multiplica­tion des états dépressifs, vous la voyez ? Oui, au quotidien, dans les consultati­ons. Concrèteme­nt, je trouve que ce deuxième confinemen­t a été beaucoup plus mal vécu que le premier. En mars, c’était nouveau, on ne savait pas à quoi s’attendre ; on s’est aperçu par la suite que, tout en étant évidemment utile, cette période n’a pas empêché la deuxième vague d’arriver. Donc, aujourd’hui, le public croit moins aux effets bénéfiques, respecte moins, a du mal à s’adapter. Quel déconfinem­ent ? Quel vaccin ? La nature humaine est ainsi faite que, si l’on reçoit une mauvaise nouvelle, on prend un coup, on met un genou à terre, mais on repart. Là, on n’a aucune certitude, les spécialist­es euxmêmes s’opposent sur les mesures à adopter. Soit un climat anxiogène qui fait que la période est très mal tolérée.

Que faire, face aux signes ? L’objectif, c’est d’essayer de détecter les premiers signes. Dans l’idéal, ce qu’on appelle les prodromes, c’est-à-dire ce qui vient avant les symptômes. Par exemple des troubles du sommeil ou de l’appétit. Comme toute maladie, plus tôt on la met en évidence, plus tôt on la prend en charge, meilleur est le diagnostic.

Comment agir utilement ? Si l’on voit que l’on commence à glisser, il peut y avoir nécessité de mettre en place un soutien psychologi­que, voire une thérapie comporteme­ntale et cognitive. Ce qui, en général, peut suffire à redresser la barre. Et si vraiment on est dans une phase de dépression avérée, d’intensité sévère, il peut être nécessaire de mettre en place un traitement antidépres­seur qui, lui, va spécifique­ment agir sur un messager que l’on a dans le cerveau, la sérotonine.

Encore quelques conseils ? Se lever et se coucher à des heures régulières, se doucher, se préparer, avoir un minimum d’activité physique, rester en contact avec ses proches par le biais du téléphone ou de la visioconfé­rence, profiter du temps de sortie pour prendre le soleil. Autrement dit, respecter une bonne hygiène de vie. Y compris en choisissan­t le programme télé plutôt qu’en laisser défiler des images. Veiller aussi à conserver une alimentati­on équilibrée en évitant le grignotage entre les repas. S’empêcher des dérapages au niveau de l’alcool, qui est un puissant dépressiog­ène. Ou toute consommati­on de toxiques, de type cannabis. Ce que n’observent pas toujours les personnes confinées. Le conseil, c’est de revenir aux fondamenta­ux. Rien n’oblige à vivre comme un moine. Mais dans l’isolement, on a tendance à ne pas trop respecter ces règles basiques.

Un troisième confinemen­t serait dévastateu­r ? Ce serait une pression supplément­aire. Sans parler de la pression économique, profession­nelle, financière. À un moment donné, sur le plan psychologi­que, on sature. Ce qui est d’ailleurs à l’origine du succès des théories du complot. Comment peut-on gober autant d’inepties ? Dans la mesure où l’on est lassé par la situation que l’on vit, quelqu’un qui nous donne une autre option, on a tendance à vouloir le croire.

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(Photo DR) Un deuxième confinemen­t beaucoup plus mal vécu que le premier, observe le Dr Palazzolo.

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