« Les ados réceptifs aux angoisses des adultes »
Pédopsychiatre, praticien au centre hospitalier de Pierrefeu dans le Var, le docteur Philippe Garcia décrypte l’impact du confinement sur la santé mentale de la population.
Selon une étude de Santé Publique France réalisée lors du premier confinement, la santé mentale des Français se serait dégradée. Ça vous étonne ?
Non. En installant de la distance entre les personnes, qui ne peuvent plus se toucher, s’approcher les unes des autres, ou même se voir comme elles le voudraient, moins s’approcher, le confinement a limité l’un des besoins essentiels de l’homme qui est d’être en groupe. Cet isolement, plus ou moins marqué, provoque tout un tas de troubles psychologiques. Notamment chez les personnes qui présentent des vulnérabilités et dont l’état a pu s’aggraver. Mais pas que.
La consommation d’anxiolytiques et d’hypnotiques (somnifères) aurait également augmenté notamment au printemps. Ce n’est pas surprenant. On a bien vu qu’avec le confinement, l’accès à des soins spécialisés avait été rendu plus difficile. Pour traiter les troubles du sommeil, les crises d’angoisse, les moments de tristesse, de découragement quant à l’avenir… on a vu la médecine symptomatique de crise, de tri se développer. Il a fallu trouver des solutions d’urgence, parer au plus pressé. La (télé) prescription de médicaments psychotropes en est une. Mais il est ensuite nécessaire de remettre de l’humain dans l’accueil et le soin.
Cette dégradation de la santé mentale des Français frappe-telle indifféremment les jeunes et les adultes ? D’une façon générale, les adolescents sentent assez bien l’atmosphère du moment. Ils sont réceptifs aux angoisses des adultes. Je dirais qu’ils sont le baromètre de la tonalité sociétale ambiante. Donc si le confinement entraîne des troubles psychiques chez les adultes, on peut le retrouver chez les jeunes. Prenons l’exemple de la famille qui a besoin de mouvement, d’alterner dans la journée les moments de séparation et de retrouvailles. Le fait de se retrouver confinée peut avoir des effets négatifs sur sa dynamique groupale, sur les relations affectives entre ses membres.
Un mot sur la hausse des addictions. Là encore, la pandémie, ses conséquences, et le confinement pour tenter de l’enrayer, ont pu aggraver l’état de personnes déjà installées dans des consommations addictives. Mais, plus étonnant, des addictions à l’alcool ou autres substances sont également apparues chez des gens qui, jusque-là, n’avaient pas de lien de dépendance. Ces pratiques s’expliquent par le besoin d’oublier les angoisses du moment (l’ennui, le repli social, la perte de rythme dû au télétravail ou au chômage partiel, les préoccupations pour l’avenir). Elles nécessitent un suivi.