Procès pour stups : failles invisibles autour du trafic
Après les dénégations forcenées, l’audience est entrée dans une phase plus diserte, hier à Toulon. Mais seules les écoutes téléphoniques parlent vraiment
Des chiens stups « enrhumés » qui renifleraient mal. Des allocations RSA « économisées », pour justifier l’achat d’une bague à 500 euros. Des conversations téléphoniques enregistrées qu’on assure ne pas avoir tenues. La parole des prévenus a rendu perplexe le tribunal correctionnel de Toulon, hier. Réunie en chambre spéciale, la juridiction est saisie d’une affaire de trafic de drogue, dont la base arrière est surnommée « le carré » – la cité Berthe à La Seyne. Là où les tirs criblent les murs, et les corps. Quinze personnes, âgées de 21 ans à 38 ans, comparaissent pour les stupéfiants, la détention d’armes et l’association de malfaiteurs.
Premier mea culpa
Après une première journée de débats marquée par une amnésie profonde, le procès a pu effleurer la réalité du trafic. Voici le premier mea culpa d’un prévenu : « Moi, je vendais, oui. Ce n’était pas du dépannage .»
Le Seynois de 26 ans se défend tout de suite d’être « un gros trafiquant », avec « peutêtre une vente tous les trois jours ». Le tribunal sursaute un peu, mais en a déjà tellement entendu… Un aller-retour à La Jonquera, située juste après la frontière espagnole, avait-il pour objet un approvisionnement en drogue ? Non, « on est allés voir des prostituées ».« En une heure de temps sur place ? », s’étonne la présidente. « On a fait vite, on n’a pas besoin de plus. » Peut-être. « Mais pourquoi La Jonquera ? »« C’est moins cher, c’est mieux ». En comptant les frais de voyage ?
Parmi les quatre femmes qui comparaissent, deux sont les ex-compagnes de deux suspects.
« Vous avez peur ? »
La première, à la barre, est comme enroulée sur ellemême. Elle nie les conflits, sur lesquels elle s’est pourtant épanchée au téléphone.
Elle y disait sa colère pour « les merdes [qu’elle] a gardées chez [elle] »,« sans jamais rien gagner ». Ses prétentions aussi, « c’est grâce à lui (son ex-compagnon), que le réseau marche ». Et le profit qu’elle en tirait : « Je ne manque de rien, c’est pas pareil ». Pourtant, la jeune femme de 23 ans « ne se souvient pas » des propos qu’elle a tenus et qui sont retranscrits dans le dossier judiciaire. « Vous avez peur ? », lui demande un avocat. « Non .»
La seconde femme, qui était en couple avec un suspect, avance à pas comptés, mais ne se rétracte pas. Trois fois par semaine, à son domicile, elle a préparé la cocaïne – en pochon de 0,5 ou 0,9 gramme. Des lieux de vente et des commanditaires, elle ne sait rien.
Deux acheteurs réguliers sont dans la salle – eux aussi doivent s’expliquer. L’un était cocaïnomane, « pas bien » [dans sa vie] et « sortait de prison ». L’autre confie d’emblée qu’il « passe un moment difficile à l’audience ».« C’est la vertu de la justice… Pour ceux qui y sont sensibles », commente la présidente.
Deux rails par jour
Commerçant à Bandol, la quarantaine, cet homme raconte ses « deux rails de cocaïne par jour, pour tenir ». Puis, il s’est rendu compte de la difficulté « à sortir de là, tourner la page, faire le vide ».
« Les gens qui vendent les stups, ça n’a plus rien à voir avec les gens des soirées bobo », ajoute la présidente du tribunal.
Ces deux consommateurs sont bien les seuls à ne pas tergiverser sur l’évidence de la drogue. Ils risquent moins, aussi.