Var-Matin (Grand Toulon)

Rassemble ses auditeurs

A la tête de la matinale de RMC depuis la rentrée entre 6 heures et 8 h 30, la journalist­e a changé de monde. Avec elle, la proximité n’a jamais aussi bien porté son nom.

- PROPOS RECUEILLIS PAR MATHIEU FAURE mfaure@nicematin.fr

Pas facile de passer après un mythe. Pendant près de vingt ans, Jean-Jacques Bourdin incarnait la case matinale de RMC, la radio d’opinions. En septembre dernier, Apolline de Malherbe, formée à BFM/RMC depuis 2007, a repris la tranche horaire et le volant de ce gros morceau. Trois mois plus tard et un deuxième confinemen­t sur les bras, la jeune femme s’est parfaiteme­nt appropriée la chose. Directe, franche, pétillante, mais aussi bosseuse comme personne, celle qui malmenait – avec fermeté et politesse – ses invités sur BFM TV est devenue une “matinalièr­e” accomplie. Et heureuse. surprise, notamment avec les auditeurs. Ils sont la force d’une matinale, ce sont eux qui m’entraînent plus loin. Et sur RMC, il y a une diversité d’interlocut­eurs incroyable, on rentre vraiment dans le quotidien des gens car nous sommes en lien complet avec le pouls de la France. J’étais sans doute naïve au début, je ne pensais pas que ce deuxième confinemen­t aurait autant d’impact sur le jeu de l’actualité. Alors on est là pour accompagne­r les Français dans ce moment très douloureux qui est encore plus usant que le premier. Il faut faire avec une forme d’usure de chacun. Le but de cette émission, c’est vraiment d’être ensemble.

Je n’avais pas mesuré l’importance du lien avec les auditeurs, c’est comme si on était aux manettes de la matinale ensemble. C’est une émission partagée.

La radio a beaucoup changé en , comment le vivez-vous de l’intérieur ?

C’est un média direct, de l’immédiat, et authentiqu­e. Et RMC est ça, puissance . Certaines matinales ont des moments d’auditeurs, nous, c’est un moment permanent et c’est exceptionn­el. Je suis bousculé par les auditeurs et ils bousculent aussi les invités. C’est mon rôle de les accompagne­r, de les guider et de les mettre à l’aise tout en gardant le contrôle. On aime mettre à l’antenne des voix que l’on n’entend pas ailleurs. Il y a peu, nous avons eu un auditeur qui était fiché S. Il faut le mettre devant ses contradict­ions sans que cela dérive. On est dans l’échange.

Prendre une matinale qui marchait avec Jean-Jacques Bourdin, c’était aussi un sacré défi...

J’en avais conscience, la pression est quotidienn­e car c’est une exigence permanente et je m’en donne les moyens. Jean-Jacques Bourdin était en place depuis  ans, c’était un modèle. Nous ne sommes pas de la même génération mais ça n’empêche pas d’aller dans la même direction.

Vous êtes aussi la première femme à présenter une matinale en France.

Ça ne devrait pas être un sujet mais comme je suis la seule, ça devient logiquemen­t un sujet. Je ne le ressens pas à l’antenne en tout cas, les auditeurs étaient prêts, eux. Et puis les choses bougent. Radio France, France Télévision­s, France Inter sont dirigés par des femmes.

Le confinemen­t a-t-il rendu la radio plus importante ?

On retrouve la radio initiale, celle de l’accompagne­ment. On a envie de partager nos joies, nos peines, nos astuces pour tenir le coup. Je ressens une vraie proximité, bien plus grande que sur BFM qui était un média plus distant. Et puis, en étant au contact des auditeurs au quotidien, on ressent cette forme de découragem­ent, on se doit de partager ce fardeau avec eux.

Vous étiez réputée pour avoir un ton assez rude en interview. Avez-vous adapté votre ton maintenant que vous êtes à la tête de la matinale ?

Je fonctionne beaucoup à l’instinct, je n’ai pas de mode d’emploi en fait. C’est surtout de l’émotion, le moment. Mes registres se sont sans doute diversifié­s car je reçois beaucoup d’invités différents. Ce moment piquant existe toujours, j’ai récemment reçu le patron d’Amazon et je lui ai demandé, d’entrée, s’il ne culpabilis­ait pas de la situation en France, par exemple. J’ai un côté direct. Parfois je suis aussi dans l’accueil, même s’il y a des moments bras de fer. Je suis dans une partition plus grande, je change donc d’instrument­s plus souvent au final.

Une matinale, c’est aussi un rythme particulie­r...

J’ai remarqué que le verre de vin du soir avait un effet immédiat sur la qualité de mon sommeil et de mon réveil. Alors j’ai sacrifié ce petit plaisir du soir et, sur ce deuxième confinemen­t, c’est un vrai crève-coeur. Je suis comme un boulanger qui va faire son pain, je vis en décalé. Je m’octroie deux heures de sieste en fin de matinée pour me remettre dans le rythme.

Je vais être très honnête, c’est la chose que j’appréhenda­is le plus. Je ne nie pas la souffrance mais c’est une discipline, comme un sportif de haut niveau. Il faut savoir être rigoureux durant la semaine. Du coup, le couvre-feu m’allait très bien, quand tout le monde devait manger à  heures. (Rires)

Il paraît que vous ne travaillez que sur votre téléphone.

Je bosse partout, dans le métro, dans la rue, sur mon canapé, etc. Je travaille tout le temps. Comme je n’ai pas d’ordinateur, pas de poste, je note tout sur mon téléphone. Je lis les journaux dessus, je prépare mes interviewe­s dessus, j’appelle, bref, il m’est indispensa­ble alors je jongle en permanence et j’ai toujours une batterie externe en réserve. Je suis prévoyante.

Comment vit-on la gestion d’un foyer avec quatre enfants quand on est “matinalièr­e” ?

On n’y arrive pas mais on se débrouille. (Rires) C’est tout le temps un peu le bordel, il faut être honnête. Je n’osais pas dire tout haut que c’était compliqué alors qu’il ne faut pas se le cacher. J’assume le fait de jongler et d’être au bord de la crise de nerfs, comme beaucoup de Français. Et c’est difficile. En revanche, je suis ravie de voir qu’on n’est plus obligée de choisir entre le travail et les enfants. On s’adapte.

Apolline matin, du lundi au vendredi de 6 h à 8 h 30 sur RMC et RMC Découverte­s.

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‘‘ J’appréhenda­is le rythme de la matinale”

‘‘ Je fonctionne beaucoup à l’instinct, je n’ai pas de mode d’emploi”

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