Var-Matin (Grand Toulon)

Pour la RTE Méditerran­ée, « nous ne sommes pas dans une logique de black-out »

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Jean-Philippe Bonnet est délégué RTE Méditerran­ée (Réseau de transport d’électricit­é). Il nous parle de l’hiver qui arrive et confirme que des coupures pourraient intervenir en février en raison de l’arrêt de plusieurs réacteurs nucléaires…

Quel est le rôle précis joué par RTE ?

On nous identifie souvent par rapport aux pylônes à haute et très haute tension qui parsèment le paysage. Mais RTE joue aussi le rôle de chef d’orchestre dans ce système électrique qui s’est beaucoup complexifi­é depuis 20 ans et l’époque où il n’y avait qu’EDF. Aujourd’hui, il existe bien d’autres acteurs qui vendent de l’électricit­é et du gaz. C’est un mouvement de fond impulsé par l’Union européenne. Mais il faut quand même un chef d’orchestre pour coordonner tout cela. On ne produit pas d’électricit­é, mais on s’assure que l’on aura à tout moment la capacité d’aller chercher en France métropolit­aine, l’énergie dont auront besoin tous les Français pour leur consommati­on.

La région, le départemen­t pourraient-ils être impactés cette année par des coupures de courant ?

Cette fois-ci, ce n’est pas un problème de réseau insuffisan­t pour acheminer l’électricit­é à un certain moment de l’année, contrairem­ent à ce que l’on a pu connaître entre 2000 et 2015, qui est en cause. La question est : nationalem­ent, aura-t-on assez de production et pourra-t-on satisfaire la demande compte tenu de l’arrêt d’un plus grand nombre de réacteurs que ce qui était prévu ? En recours ultime, si la situation s’avère critique, il pourrait en effet y avoir des coupures chez les particulie­rs, pendant une durée courte, en général par quartier et n’importe où en France de manière tournante. Mais on n’est pas du tout dans une logique de blackout. C’est juste de la régulation.

Pratiqueme­nt, comment cela peut-il se concrétise­r ?

On ne coupe pas plus de deux heures, c’est un maximum et si on a besoin de moins, on fait moins, en tenant compte des congélateu­rs et de l’inertie des bâtiments pour ne pas qu’ils perdent trop de chaleur. Au préalable, Enedis identifie tous les consommate­urs sensibles – hôpitaux, Ehpad, etc. – de façon qu’ils ne soient pas touchés. Là où on peut positiver, c’est que la région peut être à la pointe de la mobilisati­on et de la solidarité pour des comporteme­nts responsabl­es.

Comment cela ?

Grâce à Ecowatt, ce dispositif qui devient national mais qui a été inventé ici, dans la région voici 10 ans. Il s’agit tout d’abord d’un outil de communicat­ion dont les premiers partenaire­s sont les collectivi­tés territoria­les qui relaient le signal lorsque Ecowatt lance une alerte ou informe qu’il faut réduire la consommati­on. Il est plus difficile de toucher le grand public, donc on s’appuie sur des relais institutio­nnels qui relaient les messages. Les grands hôtels par exemple, éteignent leurs façades. Ces gestes sont applicable­s par tout le monde et peuvent être intéressan­ts. Ma conviction est que notre système électrique est en transition. On cherche à se passer le plus possible des énergies fossiles pour la production d’électricit­é et à reposer sur les énergies renouvelab­les qui, elles sont intermitte­ntes, puisque dépendante­s du soleil ou du vent. Il nous faut apprendre à consommer de manière responsabl­e, quand cette énergie est disponible, parce que cela est en ligne avec les ressources naturelles. Ecowatt doit aussi accompagne­r la pédagogie dans ce domaine-là. Ainsi, des entreprise­s ont automatisé leur consommati­on d’électricit­é et accepté de laisser quelqu’un d’autre la piloter.

RTE parle de « vigilance particuliè­re » pour l’hiver qui vient. À quel dispositif cela correspond-il ?

La vigilance, c’est notre quotidien, notre mission de service public. On passe notre temps à faire des études, à anticiper l’avenir. Et dans le genre de crise que l’on traverse, il est crucial de se tenir prêt. Décembre et janvier devraient être sereins ; en février en revanche, plusieurs réacteurs vont s’arrêter et si des facteurs défavorabl­es se greffent dessus – une vague de froid et l’absence de vent – on pourrait connaître une situation où l’équilibre entre production et consommati­on, sera difficile à assurer. Il faut que l’on soit prêt à réagir et c’est ce que l’on anticipe depuis six mois. Le signal d’alerte a été tiré en juin dernier. On a augmenté le développem­ent de systèmes de flexibilit­é de consommate­urs prêts à arrêter leur consommati­on et Ecowatt fait aussi partie des mesures prises.

Doit-on redouter une surconsomm­ation liée au confinemen­t et à l’hiver qui arrive ?

Chaque territoire a un profil spécifique. On peut penser que notre région connaît assez peu de pics du matin et que le développem­ent de l’énergie solaire permettra d’y faire face. Par contre, il y a unpicàheureset beaucoup de gens viendront passer les fêtes sur la Côte d’Azur. Un afflux qui fera augmenter la consommati­on.

Que représente la transition énergétiqu­e en région Paca ?

Nous sommes dans une région qui est résolument embarquée dans l’aventure de la production solaire. C’est logique, elle a les atouts pour cela. Nous sommes la troisième région en termes de puissance pour la production solaire et même la première au kilomètre carré. Une région où le littoral est assez urbanisé avec beaucoup de toitures et du soleil. Il faut qu’on valorise encore davantage mais on n’a franchemen­t pas à rougir. Par ailleurs, la production hydroélect­rique est un patrimoine historique.

Est-il envisageab­le que les grands pylônes qui défigurent le paysage disparaiss­ent un jour ?

Vous savez, RTE a été créée en 2005. Nous avons la responsabi­lité d’exploiter ce patrimoine de réseau d’électricit­é qui a presque un siècle d’existence. Ces pylônes ont été installés à une époque où il n’y avait pas la technologi­e actuelle et beaucoup moins de préoccupat­ions paysagères. Ce qui est clair, c’est qu’aujourd’hui, quand RTE installe de nouvelles lignes, que ce soit pour renforcer le réseau ou accueillir les énergies renouvelab­les, elle utilise très fortement la technologi­e souterrain­e. RTE ne ménage pas ses efforts pour adapter son réseau dans le respect du paysage. On gère ce patrimoine en bon père de famille, on va le renouveler quand on pourra le faire mais nous sommes aussi une entreprise publique, c‘est-à-dire garants des deniers de la population.

‘‘Une région embarquée dans la production solaire ”

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(Photo DR) Jean-Philippe Bonnet.

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