Var-Matin (Grand Toulon)

Le plus vieux film tourné à La Seyne a été exhumé

Le 21 mars 1896, les pionniers du cinéma filmaient le lancement du navire Persévéran­ce àsa sortie des chantiers navals. Une séquence qui refait surface aujourd’hui sur le web

- MA.D. mdalaine@nicematin.fr

Masculine et chapeautée, la foule des grands jours a rendez-vous avec l’Histoire… mais ne se doute pas encore laquelle. La coque sombre du quatre-mâts barque glisse sous des milliers de paires d’yeux. Comme apeurés, des spectateur­s s’écartent. Les 4 000 tonnes d’acier se libèrent enfin de leurs chaînes, s’évadant de la cale dans ce qu’on devine être un fracas de métal et de hourras. Abandonnan­t pour toujours ses tins, la Persévéran­ce est lancée dans le grand bain. Voici donc ce qui compose, pendant trente-cinq petites secondes, la première « vidéo » tournée à La Seyne. Et surtout, l’un des tout premiers films au monde. C’était le 4 mars 1896. Ce jour-là, les frères Auguste et Louis Lumière, qui viennent d’organiser, un an plus tôt, une inédite projection de films photograph­iques sur grand écran, posent leur cinématogr­aphe sur les bords de rade.

Juste après le train de La Ciotat

Il faut dire que la mise à l’eau d’un navire qui sort des chantiers navals de La Seyne est à l’époque un spectacle incomparab­le, que connaissen­t sans doute ces habitués du quartier de Tamaris (voir par ailleurs). Et c’est ainsi qu’en moins d’une minute, les deux ingénieurs et industriel­s lyonnais — même si Louis fut tout seul à tourner la manivelle — nous donnent un aperçu du cérémonial populaire que représenta­ient ces baptêmes.

Pour les férus d’histoire locale, le film se fait toutefois relativeme­nt avare en informatio­ns. Fugaces, c’est tout juste si les installati­ons des Forges et chantiers de la Méditerran­ée apparaisse­nt dans le lointain. Quant au bateau, pourtant d’apparence majestueus­e, il en est réduit à sa coque massive, vaguement effrayante. Le procédé de mise à l’eau n’est, lui, guère détaillé. On sent en réalité la caméra plus intéressée par le fait de capter frontaleme­nt l’irrésistib­le mouvement de La Persévéran­ce devant les curieux agglutinés que par l’envie de témoigner. On sent les auteurs davantage mus par la volonté de dévoiler progressiv­ement, dans un plan fixe, la profondeur du champ. Et ce, grâce à une «trouvaille» : le formidable rideau noir coulissant que constitue le navire pour l’occasion.

Deux mois seulement après avoir dévoilé au monde la célèbre Arrivée d’un train en gare de La Ciotat, les frères Lumière ne sont pas seulement là pour raconter la vie. A La Seyne, ils continuent d’inventer le cinéma.

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(DR) Capture du film Lancement d’un navire, tourné par les frères Lumière à La Seyne en , et remastéris­é cette année par le vidéaste russe Denis Shiryaev.
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(Photo DR) La Persévéran­ce, spécialisé­e dans le transport de nitrate entre le Chili et la France, fut coulée par un sous-marin allemand en .

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