Var-Matin (Grand Toulon)

La mise en place d’un passeport « sanitaire » serait-elle légale ?

- PEGGY POLETTO

Avec le début de la campagne vaccinale, la question de la légalité d’un passeport sanitaire n’est pas écartée. Pourrait-on, à l’avenir, conditionn­er l’accès à des services, des transports, des salles recevant du public, des entreprise­s à la condition d’être vacciné ? C’est un « oui mais » pour des juristes. Pour les transports, une dispositio­n du Code de la santé, dans le cadre de l’état d’urgence précise que le Premier ministre peut «régler l’accès aux transports publics ».

Interrogé par France Info, Serge Slama, professeur de droit public à l’université de Grenoble-Alpes, estime que la mise en place d’un passeport vaccinal pourrait être « conforme aux droits fondamenta­ux, mais à certaines conditions assez exigeantes ».

Pour Frédéric Casanova, avocat au barreau de Toulon, le conditionn­ement de l’accès à certains lieux aux personnes vaccinées est « une atteinte aux libertés d’aller et venir et au secret médical, une atteinte aux droits fondamenta­ux protégés par la Constituti­on » face à des questions de santé publique. « Prendre une telle décision, selon moi, impose de passer par le filtre du Conseil constituti­onnel. Lui seul peut attenter à ces principes pour un intérêt supérieur ».

« Conformité à la Constituti­on »

L’avocat varois souligne que « la vaccinatio­n part du postulat qu’elle est faite sur le volontaria­t ». Face aux protestati­ons, le Gouverneme­nt a renoncé à imposer une vaccinatio­n obligatoir­e. Insidieuse­ment, imposer à un individu d’être vacciné pour fréquenter un lieu se transforme­rait en « obligation à se vacciner ».

En cas de refus, à l’avenir, d’accéder à une entreprise, un restaurant, une salle de sport, un cinéma… « Cela n’engagera que ceux qui veulent le mettre en place. Les personnes qui se verront opposer un refus auront alors deux solutions : soit se résigner en se faisant vacciner ou en se privant de cet accès, soit en déposant une plainte. En tant qu’avocat on pourra potentiell­ement attaquer l’ordonnance pour la faire déclarer inconstitu­tionnelle en formant une question prioritair­e de constituti­onnalité. Il faudra attendre la décision de la Cour de cassation et le renvoi éventuel vers le Conseil constituti­onnel ».

« La raison l’emporte sur la légalité »

Il précise toutefois qu’il «en va du bon sens, dans des situations exceptionn­elles, de s’affranchir de certains éléments pour la sécurité de tous. C’est aux sages du Conseil constituti­onnel de statuer sur un tel équilibre », commente-t-il. Selon lui, la mise en place d’un passeport sanitaire passe aussi par l’avis de la Commission nationale de l’informatiq­ue et des libertés de France (CNIL). Si en tant que défenseur des libertés, il veillera «àce qu’un éventuel passeport sanitaire soit bien ficelé et respecte les principes fondamenta­ux garantis par la Constituti­on de 1958 », en tant que citoyen il prône « la vaccinatio­n pour la sécurité de tous ». Un équilibre complexe.

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(Photo DR) Frédéric Casanova, avocat au barreau de Toulon.

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