Var-Matin (Grand Toulon)

« La raison est remplacée par la sensation »

Question à Henri Broch, physicien, professeur émérite de l’université Côte d’Azur, créateur du laboratoir­e de zététique

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Qu’est-ce que la zététique ? Le mot existe depuis l’Antiquité. La zététique définit la méthode dont on se sert pour pénétrer la raison des choses. J’ai repris ce terme lors de la création de l’enseigneme­nt. Ce qui m’a motivé, c’est le constat du niveau élevé de croyance des phénomènes paranormau­x. Je me suis dit qu’il fallait essayer de les expliquer via la méthode scientifiq­ue.

La formation en zététique a-telle rencontré le succès ?

Ça a très très bien marché. Il y avait plus d’étudiants dans l’amphi que d’inscrits !

Le phénomène Ovni, c’était une mode ?

C’est clair et net. Cela correspond à une époque baignée dans la conquête spatiale, qui a fortement attiré l’attention dans tout ce qui touchait le ciel et les phénomènes afférents. À partir de là, c’est presque “normal” qu’on ait vu des soucoupes volantes ! La fiction se fait en fonction de la technique de l’époque.

Aujourd’hui, les mécaniques ontelles évolué ?

Les biais cognitifs utilisés consciemme­nt ou inconsciem­ment pour les thèses complotist­es par exemple sont les mêmes. La grosse différence, c’est l’explosion exponentie­lle liée à la diffusion de ces thèses sur les réseaux sociaux notamment. Et si on cherche sur Internet des sites traitant du paranormal, le rapport est en défaveur du rationalis­me et de la méthode scientifiq­ue.

Comment lutter contre ce phénomène ?

Quelqu’un qui est impliqué dans ce genre de croyance, c’est très difficile de la lui faire déconstrui­re. C’est plutôt au niveau de l’enseigneme­nt qu’il faut agir. La zététique, ce ne devrait pas être cantonné à l’enseigneme­nt supérieur. Au lycée, au collège… Il faudrait même déjà commencer à apprendre ce qu’est la méthode scientifiq­ue en élémentair­e.

Aujourd’hui, la preuve par l’image ne permet-elle pas de se prémunir de thèses farfelues ?

Pas vraiment : si quelqu’un filme un météore et dit que c’est une soucoupe volante, il a une preuve réelle. Sans enquête sérieuse, le phénomène peut exister, avec une explicatio­n qui n’est pas la bonne. Dans un cas comme celuilà, il faut suspendre son jugement. Le point d’interrogat­ion n’est pas une marque de faiblesse, c’est une marque de sagesse. Internet ne pousse pas à une telle démarche. La raison est remplacée par la sensation. Ça cherche à faire réagir les gens, pas à les faire raisonner.

Peut-on se dire que finalement, tout le monde a le droit de croire ce qu’il veut ?

Pour prendre un exemple, le problème, ce n’est pas que les gens croient l’astrologie. C’est que ces mêmes personnes vont juger de choses sérieuses avec ces certitudes. C’est ça qui est dramatique.

Dernière question : vous croyez à la vie extraterre­stre ?

Je n’ai pas fait d’expérience, mais c’est une quasi-certitude qu’il y a de la vie dans l’univers. Après, les extraterre­stres, où qu’ils soient, ont-ils une chance de venir nous voir ? Là, la probabilit­é est presque égale à zéro.

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