Diffamation ou polémique électorale ? Rififi à Bandol
Tentative de corruption ou campagne de diffamation. Lors d’un procès pénal à couteaux tirés, les débats ont été vifs entre anciens candidats aux municipales
Aux grands maux, les grands remèdes. À « l’honneur sali », par « des accusations improbables », s’oppose « le principe d’une liberté fondamentale », celle de prendre la parole. Vendredi matin, le tribunal correctionnel de Toulon s’est échiné à canaliser les débats entre plusieurs anciens candidats à la mairie de Bandol, dont le maire Jean-Paul Joseph. Ce dernier comparaissait en tant que prévenu, de même que Pierre Lerat et Muriel Fiol, deux autres têtes de listes aux élections du printemps. Tous trois se défendent d’un même grief de diffamation à l’encontre de Marc Bayle, un autre candidat en lice, arrivé second au premier tour.
À l’offensive
À l’audience, la partie civile a mené une offensive permanente, pour pousser les trois prévenus à se justifier, au prix de fréquentes anicroches.
Au terme de 4 heures et demie de débats électriques, le jugement a été mis en délibéré et sera rendu dans un mois. Le parquet n’ayant pas été à l’origine des poursuites (1), le procureur n’a pris aucune réquisition. Tout s’est donc joué dans la fosse aux lions. Entre avocats. L’affaire prend son point de départ dans plusieurs posts publiés sur internet, principalement sur des pages Facebook, fin mai 2020.
Contexte électoral
Le candidat aux municipales Marc Bayle est accusé d’avoir tenté d’acheter des voix, en vue du second tour. « Il m’a dit qu’il y avait moyen de faire quelque chose, sur un poste politicoadministratif, affirme Pierre Lerat à la barre. C’était de mauvaises manières que j’ai tenu à dénoncer. » Le candidat sans étiquette est arrivé en dernière position au premier tour. « Oui, j’ai eu le sentiment qu’on essayait de m’acheter .»
Emballement
Si Muriel Fiol, candidate du
Rassemblement national, a elle aussi dénoncé « une tentative d’arrangement » dans l’entre-deux tours, elle a vite pris ses distances avec l’interprétation faite de ses écrits.
« Il y a eu un emballement. J’ai dit que ça allait trop loin. Il n’y a jamais eu de proposition d’argent sonnant et trébuchant », corrige-t-elle. Et donc « pas de tentative de corruption avec de l’argent ».
Le maire persiste
Entre-temps, le maire sortant a pris au vol ces dénonciations. « Je me suis basé sur les témoignages qui me paraissaient clairs », justifie Jean-Paul Joseph (sans étiquette). Jusqu’à illustrer son propos d’une photo montrant une main serrant une liasse de billets. « Nous avons déposé plainte pour délit d’achat de voix », maintient-il, inflexible.
Et refuse de se dédire, d’accusations que d’autres ont portées.
Intérêt légitime
La défense du maire soulève une question de principe. « Où sont placées les limites d’une liberté fondamentale ?, interroge son avocat Me Jean Boudot. On ne dit pas que tout est permis, mais que beaucoup de choses sont ouvertes. L’intérêt légitime est supérieur .»
Selon l’avocat, « la jurisprudence est extrêmement permissive » et les propos « ne sont pas excessifs ». La photo utilisée ? « Une liasse d’argent, ou un emploi rémunéré, c’est la même chose. Ce qui est craint, est un délit d’achat de voix. Et Jean-Paul Joseph en est convaincu, aujourd’hui encore. » Et espère voir sa plainte prospérer. Défendant Pierre Lerat, Me Hervé Andréani souligne que, « essayer d’obtenir quelque chose de matériel en échange de voix », tombe bien « sous le coup de la loi ». Et Me Cyrille La Balme renchérit sur « la bonne foi évidente » de sa cliente Muriel Fiol, l’écartant de fait de la diffamation.
Tous ont plaidé la relaxe.