Var-Matin (Grand Toulon)

Leni Whitford peint les soignants avec son âme

Infirmière de profession, la Seynoise a quitté le Var pour suivre son époux, ancien joueur du RCT, à Montpellie­r. C’est là qu’elle est revenue à ses premières amours : la peinture. Avec un hommage aux anges gardiens.

- RAPHAËL COIFFIER rcoiffier@nicematin.fr

Leni Whitford est tombée dans la marmite à couleurs toute petite. Au plus loin qu’elle se rappelle, elle ne se voit jamais sans un crayon. Un pinceau entre les doigts. Des arcs-en-ciel dispersés sur sa peau...

La Seynoise a pourtant mis du temps, beaucoup de temps, avant de déplier le chevalet. Avant d’oser éclabousse­r la toile de ses sentiments cachés...

« Je n’avais aucune confiance en moi », confie-t-elle sans détour. Si bien que le bel oiseau s’en est allé faire son nid sur un autre arbre. Au coeur d’un tout autre décor. D’un tout autre univers, ô combien d’actualité. Tu seras infirmière, ma fille. Soit. C’est inscrit dans les lignes de ta main. Tu soigneras les plaies. Des corps. Des intimités déguisées. Tu effaceras les maux au quotidien... Sauf qu’à bien regarder la paume, on y distingue un sillon. Long. Creusé. En direction de la lune. Le premier pas sera donc celui d’une rencontre. Amoureuse. Avec un Anglais débarqué sur la rade. À la blondeur de l’étoile polaire... Un coup de foudre pour Tom. Soldat du RCT. Général en chef d’une famille vite agrandie. Leni se marie. Croque, parfois, à la chandelle, des bouts de présent. Mais entre famille et profession de foi, le temps lui manque. Le dessin, ancré en son for intérieur, prend le large. S’éloigne...

Le vent le ramènera sur la berge au hasard d’une propositio­n de carrière. Faite à son époux, engagé, il y a deux saisons, dans le staff du club de rugby de Montpellie­r.

« Quitter ma zone de confort n’a pas été simple pour moi. Dans l’appart, c’était tristounet. Alors, j’ai peint. Pour le plaisir... » L’autodidact­e est revenue à ses premières amours. Dénichant un atelier pour parfaire sa technique. Tisser des liens. Éclore à la lumière. Tamisée depuis le déracineme­nt.

« Il n’y avait que le sport et le médical autour de moi. Or, je me sentais artiste même si je n’avais aucune culture artistique... »

En terre inconnue, Leni a peu à peu bâti son Amérique. À l’instinct.

Réveillant l’eau qui dormait en elle depuis si longtemps. Et, tout naturellem­ent, elle a pris le parti d’une série sur les soignants. Au feu. Aux prises avec la Covid galopante.

Ces soignants, bastion dont, à jamais, elle défendra les murs. En blouse ou en tablier taché. Qu’importe l’habit !

« Ces portraits étaient une évidence avec tout ce qu’il se passait. J’avais besoin de leur rendre hommage. De montrer leurs visages, leurs regards... »

Des proches ont ainsi joué le jeu. Ont tombé le masque. Ont fourni des photos. « Ce n’est pas un reportage. Juste mon ressenti personnel. Réaliste. »

Le miroir, truffé de détails, d’anonymes considérés aujourd’hui comme les héros de la nation. Une révérence saisissant­e pour qui prend le temps de se plonger au plus profond de ses créations. « J’ai forcément très envie de les exposer. Même si j’ai quand même peur de les montrer. En fait, pas grand monde ne sait ce que je fais... »

Ses huiles et aquarelles pourraient pourtant bien, prochainem­ent, se

‘‘ Il n’y avait que le sport et le médical autour de moi. Or, je me sentais artiste”

‘‘ Ces portraits étaient une évidence avec tout ce qu’il se passait”

mettre à nu à l’hôpital SainteMuss­e.

« Ça leur plaît. On verra. » Elles y auraient toute leur place. Comme un symbole. Une ode aux anges gardiens. Un merci poignant. Aux mots éteints. Mais aux couleurs révélatric­es de tant d’émotions écrasées sous des montagnes de dévouement...

« J’espère que mon travail portera ses fruits. Sera vu. Pour eux. Pour moi. Chez nous. Dans le Var... » Leni rêve, à voix basse, d’une installati­on à la villa Tamaris à La Seyne ou au fort Napoléon à Toulon. D’un site à la hauteur de ces soignants. Et, n’hésitons pas à le dire, de ses oeuvres.

« Il faudra bien que je me jette à l’eau. J’ai commencé par un compte Instagram. » La première pierre de sa renaissanc­e. De sa nouvelle trajectoir­e. « Même si je resterai toujours une infirmière ! »

Une infirmière capable de soigner avec des potions et également les couleurs de son âme...

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