Dupond-Moretti visé par une information judiciaire
L’association Anticor et trois syndicats de magistrats estiment qu’il se sert de sa fonction de garde des Sceaux pour régler ses affaires. Leurs plaintes ont été jugées recevables
Une information judiciaire va bientôt être ouverte à l’encontre du garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti pour « prises illégales d’intérêt », a annoncé, hier, le procureur général près la Cour de cassation, François Molins. Après examen, la commission des requêtes de la CJR (Cour de justice de la République), composée de hauts magistrats et qui fait office de filtre, a jugé recevables des plaintes de l’association Anticor et de trois syndicats de magistrats (Union syndicale des magistrats, Syndicat de la magistrature et Unité magistrats SNM FO) contre le ministre de la Justice, a ajouté le magistrat dans un communiqué.
Un ancien juge à Monaco
Ces plaintes reprochent à Eric Dupond-Moretti d’avoir lancé en septembre des poursuites administratives contre trois magistrats du parquet national financier (PNF) qui avaient participé à une enquête visant à identifier la taupe qui aurait informé Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog qu’ils étaient sur écoute.
Lors de ces investigations, des facturations téléphoniques détaillées ou fadettes de plusieurs avocats, dont celle du futur ministre, avaient été examinées. Ces plaintes reprochent également au ministre d’avoir ouvert une autre enquête administrative à l’encontre du juge Edouard Levrault qui avait dénoncé, après la fin de ses fonctions comme juge d’instruction à Monaco, avoir subi des pressions. Avant de devenir ministre, Eric Dupond-Moretti avait été l’avocat d’un des policiers mis en examen par ce magistrat et avait critiqué les méthodes du juge.
A la suite de ces plaintes, la commission des requêtes de la CJR a approuvé la demande de François Molins de saisir la commission d’instruction de cette même CJR. Cette commission d’instruction agit comme un juge d’instruction concernant les actes accomplis par les ministres dans l’exercice de leurs fonctions, et va donc enquêter sur le garde des Sceaux une fois que l’information judiciaire aura été effectivement ouverte par François Molins.
« Je m’expliquerai »
Interrogé jeudi soir sur France 2 sur la plainte des syndicats de magistrats, le garde des Sceaux avait indiqué : « Je ne sais pas quel sort lui sera réservé, mais sachez bien que le moment venu, je m’expliquerai, vous pourrez compter sur moi pour dire tout ce que j’ai à dire. »
« L’ouverture d’information judiciaire était nécessaire, il faut qu’une enquête ait lieu, il y a manifestement un problème », a réagi, pour sa part, Me Jérôme Karsenti, avocat d’Anticor. Plusieurs autres ministres ou ex-ministres d’Emmanuel Macron, parmi lesquels Edouard Philippe, Agnès Buzyn, Olivier Véran, Sibeth Ndiaye, sont déjà visés depuis le 7 juillet par une autre information judiciaire confiée à la commission d’instruction de la CJR, cette fois concernant la gestion de la crise du coronavirus.