Covid-19 : que penser du variant anglais ?
En pleine campagne de vaccination contre le coronavirus SARSCoV-2, plusieurs questions brûlent les lèvres. Le nouveau variant repéré en Angleterre puis dans plusieurs pays européens, dont la France – des clusters du nouveau variant anglais du Covid-19 ont été détectés dans l’Hexagone cette semaine – menace-t-il l’efficacité de cette vaccination ? Est-il plus dangereux ? Pourquoi les jeunes sontils plus touchés ? Etc. Chef de service de virologie au CHU de Nice, le Pr Valérie Giordanengo refuse prudemment d’apporter des réponses définitives à ces questions. Mais elle expose des faits enclins à rassurer, en commençant par rappeler que « tous les virus à ARN mutent régulièrement, dans le but de survivre » .Le SARS-CoV-2, à l’instar du virus de la grippe, ne déroge donc pas à cette règle. Plusieurs variants du SARSCoV-2 ont été ainsi mis en évidence depuis le début de l’épidémie. La particularité du variant anglais réside, rappelle la spécialiste, dans le nombre important de mutations qu’il porte, « même si la plupart d’entre elles, déjà connues, sont sans conséquences au niveau des peptides qui composent l’enveloppe du virus ».
Liaison plus stable entre le virus et les cellules
Plus préoccupantes sont celles qui affectent la protéine Spike (ou protéine S), « clé d’entrée du virus dans les cellules », même si c’est tout naturellement que le virus, pour ne pas être éliminé va habilement modifier ce que l’immunité naturelle cible : sa clé pour forcer l’entrée dans les cellules. « Ces mutations augmentent en effet la stabilité de la liaison entre le virus (la clé) et les récepteurs (la serrure) à la surface des cellules, ce qui explique la contagiosité accrue de ce variant. » Plus de facilité pour ce variant de rentrer dans les cellules, mais aucune donnée épidémiologique en faveur d’une dangerosité accrue. « La preuve devra en être fournie, mais à ce stade, on ne pense pas que ce variant soit plus pathogène, dans la mesure où c’est au niveau de la clé d’entrée dans la cellule que se situent les mutations. La virulence ne devrait pas être modifiée. Et les cas de contaminations par ce variant sont déjà tellement nombreux, en Angleterre notamment, que si c’était le cas, les cas graves auraient flambé. »
Concernant l’immunité contre ce variant, là aussi, les études virologiques manquent pour conclure, insiste la spécialiste. «Ilfaudrait réaliser des analyses in vitro en mettant ce variant au contact de sérum de patients contaminés par le SARS-CoV-2. La diversité des anticorps fabriqués est-elle capable de neutraliser l’entrée de ce variant ? Mais, on a l’espoir, là encore, forts d’études réalisées en Afrique notamment, que des anticorps contre SARS-CoV-2 pourraient être protecteurs, au moins partiellement. »
À la question « pourquoi les jeunes de moins de 20 ans sont plus contaminés », la virologue avance qu’il n’est pas possible de répondre à ce stade, mais elle émet l’hypothèse « qu’il est peutêtre aussi présent mais non repéré chez des plus âgés asymptomatiques. »
Adapter la vaccination
Reste la grande question de l’efficacité de la vaccination contre le SARS-CoV-2, en pleine phase d’accélération. Le vaccin n’ayant pas été testé formellement sur le variant, là encore, pas de réponse, mais certains éléments rendent malgré tout optimiste : en Grande Bretagne, on n’a pas vu de patients déjà infectés par le passé être réinfectés avec le variant, ce qui est plutôt bon signe. L’apparition de ce variant anglais, et aussi du sud-africain, indique que désormais, et comme c’est déjà le cas pour la grippe, il devra néanmoins s’avérer nécessaire de surveiller l’évolution du virus, de le séquencer et d’adapter le vaccin.