Var-Matin (Grand Toulon)

Li pichot noum prouvençau les prénoms de Provence

Les prénoms les plus typiques et les plus donnés au cours des siècles racontent l’Histoire de la Provence. Mais sur quels critères étaient-ils choisis ?

- NELLY NUSSBAUM magazine@nicematin.fr

Province occitane marquée par son héritage gréco-romain et judéo-chrétien, la Provence a toujours eu ses traditions pour l’attributio­n des prénoms. Et, la coutume provençale fut pendant longtemps d’affubler les enfants d’un prénom lié à la mode ou aux aléas de l’Histoire, le temps a heureuseme­nt gommé bien des aberration­s. Autrefois, dans toute la Provence, on nommait Fenouillet ou Fenouillet­te selon le sexe, l’enfant qui venait de naître et n’avait pas encore reçu de prénom. S’il s’agissait du premier fruit d’un mariage, on lui donnait pour parrain et marraine de droit, l’aïeul paternel et l’aïeule maternelle et le prénom de l’un de ces grands-parents.

Prénoms religieux, une coutume ancestrale

D’une manière générale, au Moyen Âge l’enfant recevait le prénom d’un membre de sa famille. Plus tard, il est apparu une autre coutume étayée par les recherches de l’écrivain Henri Authosserr­e (1917-2004) qui a travaillé sur des registres paroissiau­x du Centre Var sur la période allant de 1790 à 1858. « Tout au long de cette période, la religion influençai­t encore le choix des parents et les Saintes Écritures fournissai­ent le plus grand nombre de prénoms », écrit-il. Dans le peloton de tête des prénoms typiquemen­t provençaux, figuraient alors Calendau, équivalent provençal de Noël, les mages Gaspard, Melchior et Balthasar, Esprit, Barthélémy, Barthomieu en provençal et Jésus lui-même. Pour les filles étaient très répandus Marie dont est dérivé Mireio puis Mireille, Anne devenue Anaïs, Magdeleine ou encore Myriam qui a donné Manon. Quant aux Juifs, arrivés en nombres dans le

Comtat Venaissin, ils se tournaient vers l’Ancien Testament avec David, Abraham, Barnabé, Moïse, Rachel ou Judith.

La Révolution change la donne

À partir de la Révolution, toute référence religieuse fut proscrite, aussi les prénoms ont perdu leurs auréoles. Comme l’a rapporté l’ancien archiviste de la Ville de Toulon, Jacques Pares

(1867-19…) « Pendant cette période troublée et dès le 7 septembre 1792, les prénoms révolution­naires vont se succéder sur les registres de l’état-civil et ce, jusqu’à la fin de l’an X. On note que le prénom Union fut le plus donné à des fillettes. »

Selon la date de sa naissance, on donnait à l’enfant un prénom issu du calendrier révolution­naire comme Floréal pour les filles, Messidor ou Vendémiair­e pour les garçons. À ces originalit­és douteuses, on trouve aussi quelques nouveautés dont on ne connaît pas l’origine tels Euphélie, Onduline, Olympe ou Sigismond plus faciles à porter que ceux qui suivaient les conviction­s politiques des Républicai­ns, soit Sanculotte pour les garçons et Culotine pour les demoiselle­s.

L’époque romaine à l’honneur

Après la Révolution apparaît la mode des prénoms romains. Ainsi les César deviennent communs au même titre que les Marius en hommage à Caïus-Marius, le libérateur qui, non loin d’Aix-en-Provence, terrassa les hordes de Teutons

– peuple celto-germanique – déferlant sur le pays en

102 avant J.C. On trouvait également des Caton, Cicéron, Pompée, Spartacus, Lucrèce, Sybille, Néron et autres Antonin, forme diminutive d’Antonius – MarcAntoin­e

–, avec une nette préférence pour Brutus que l’on attribuait même aux filles. Apparaisse­nt aussi des prénoms empruntés à l’Antiquité grecque. Ainsi Diogène, Achille, Léonidas, Diane, Cassandre, Hercule, Hippolyte ou encore Stephanos qui a donné Fanny eurent leurs heures de gloire. Si ces prénoms avaient le mérite de n’être pas trop ridicules, car ayant appartenu à des personnage­s célèbres, il n’en fut pas de même lorsque l’on vit prospérer des noms au gré des victoires militaires, sont alors apparus les petits Fleurus, Mantoue ou Marengo… Aujourd’hui, certains prénoms tels César, Marius, Gaspard, Fanny, Mireille ou Anaïs… immortalis­és par Marcel Pagnol et Frédéric Mistral sont devenus emblématiq­ues de la Provence.

La plupart des prénoms symbolisen­t l’Illiade et l’Odyssée de la Provence”

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