Sur la Canebière : « Ah bon, c’est h, je ne savais pas... »
Malgré une situation virale « inquiétante » et la découverte d'un cluster du variant anglais, la mise en oeuvre du couvre-feu dès 18 h peine à convaincre les Marseillais, dont beaucoup assuraient hier ne « plus comprendre »les décisions du gouvernement contre la Covid-19.
« Ah bon, c'est à 18 h ? Je ne savais pas », lançait hier un passant sur la Canebière qui se vidait progressivement et sans hâte à l'heure fatidique, a constaté l’Agence France Presse (AFP). À proximité, trois policiers observaient les rares passants encore présents, même s’ils ne semblaient pas vraiment sur le point de les verbaliser. Toute la journée, les Marseillais interrogés par l'AFP ont semblé sceptiques sur la nouvelle mesure annoncée officiellement par la préfecture samedi. « C'est ridicule, 18 h. On devrait alléger et inciter les gens à prendre leurs responsabilités », plaide Joda Rantria, 57 ans. « Le couvre-feu à 21 h (décidé dans un premier temps en octobre, Nldr), c'était nickel, il n'y avait plus personne dans les rues. Après, ça a été abaissé à 20 h, puis là à 18 h. L'étau se resserre et le risque c'est que les gens explosent », poursuit à ses côtés Marc de Luca, 36 ans.
« Ce variant, je ne sais pas ce que c’est », soupire Marc, qui apprend dans la discussion qu'il semble 50 % à 70 % plus contagieux.
Entre le cluster du variant anglais découvert et la remontée progressive de l'épidémie visible dans les eaux usées, la situation est « inquiétante », a reconnu hier après-midi le maire PS Benoît Payan : « Je ne suis pas sûr que le couvre-feu soit une réponse parfaite, mais c'est aussi une réponse », a-t-il jugé lors d'un point presse.
De son côté, le président LR de la Région Provence-Alpes-Côted’Azur, Renaud Muselier, a maintenu hier ses réserves sur LCI : « Prouvez-moi que de 20 h à 18 h, ça peut marcher ».
« Il faut qu'on m'explique »
« On n'arrive plus à comprendre les décisions. Je suis tout le temps en train de regarder les actualités et personne ne dit la même chose », indiquait hier matin Sophie Dreux. Depuis sa petite échoppe de fruits et légumes, elle l’assure : aujourd’hui, elle restera ouverte entre 18 h et 20 h. « Il y en a ici dans la rue qui vont rester ouverts parce qu’ils ne sont pas d'accord. Je verrai bien si la clientèle est au rendez-vous car nous, on travaille surtout en fin d'après-midi », expliquait-elle.
Mathilde Jeanneaud, gérante d’un concept store de cadeaux, aimerait aussi « qu'on (lui) explique la différence entre un couvre-feu à 20 h et un couvre-feu à 18 h. Autant un couvre-feu à 20 h, pour éviter que les gens ne se rassemblent, je peux comprendre, mais là, il faut qu’on m'explique ».
« Si ça sauve des vies, ça ne me pose aucun problème », poursuit-elle. En attendant, elle craint surtout que « ça fasse des regroupements vers 17 h3018h».
« On laisse penser qu'il y a de la concertation alors qu'il n'y en a pas », raillent aussi deux frères avocats, qui ne souhaitent pas être cités nommément. L'épisode de la rentrée, où les bars, restaurants et salles de sport d’Aixen-Provence et Marseille avaient dû refermer leurs portes avant le reste de la France et sans concertation, selon les élus locaux, a laissé des traces.
Dans un rapport remis au Premier ministre en fin d'année, l’Inspection générale de l'administration (IGA) et l’Inspection générale des Affaires sociales (IGAS) pointaient justement que les mesures de restriction devaient faire l'objet d'une « meilleure appropriation par la population », afin de « durer face à la crise ».
« Le ‘‘stop and go’’ qui a prévalu dans les Bouches-du-Rhône a pu donner le sentiment que n'est jamais attendu le terme fixé pour mesurer l'impact des mesures et que les règles sont par nature instables ou discriminantes, ce qui n'est pas favorable à leur appropriation », déploraient par exemple les inspecteurs dans ce document auquel l'AFP a eu accès.