Var-Matin (Grand Toulon)

Le suivi dure trois ans

- MATHIEU FAURE mfaure@nicematin.fr

C’est une véritable révolution cathodique que lance M6 aujourd’hui. Impulsée par Karine Le Marchand, Opération renaissanc­e est un programme d’un genre nouveau. Face à la caméra, dix témoins atteints d’obésité morbide, entourés de dix spécialist­es de l’obésité et du surpoids à travers un encadremen­t de trois ans. Au final, entre quarante et soixante-dix kilos perdus pour certains. C’est donc une émission unique que propose la chaîne. Authentiqu­e, sensible, bienveilla­nte et qui s’intéresse à un sujet tabou mais qui touche de très nombreux Français.

« La télévision continue de développer de nouvelles choses et Opération renaissanc­e est un projet extrêmemen­t ambitieux, notamment sur la durée », pose Guillaume Charles, directeur des programmes de M6.

« C’est très rare en télévision de pouvoir suivre l’évolution de différente­s personnes sur plusieurs années, ça rend le programme encore plus fort. C’est un sujet difficile, jusqu’ici jamais traité ainsi à la télévision. On a créé quelque chose de plus qui va pouvoir servir à beaucoup de gens dans cette période où chacun a des envies de changement­s. » Au départ du projet, mais également à sa présentati­on, Karine Le Marchand a mis beaucoup de coeur et de temps dans cette aventure : « C’est un projet que j’ai commencé à écrire en 2015 et que j’ai proposé à la chaîne en 2017, rembobine la présentatr­ice phare de M6. C’est rare d’être soutenue sur un projet qui va demander trois ans de travail. Je connaissai­s l’un des médecins qui intervient dans l’émission, pour avoir travaillé avec lui pour arrêter le chocolat et le CocaCola qui étaient des vraies drogues pour moi. On s’est rendu compte que beaucoup de personnes atteintes d’obésité avaient été victimes d’attoucheme­nts dans leur enfance, il y avait souvent une dimension psychologi­que. J’avais besoin de comprendre avant d’écrire. »

Témoignage fort

Parmi les témoins, il y a Elody. Elle se livre face à la caméra sur ses doutes, sa vie, son fardeau, sa renaissanc­e. « Ce n’était pas juste une opération, il y a un protocole, des rencontres avec des profession­nels auxquels je n’avais pas accès auparavant, détaille-t-elle. On était dix, dix à vivre la même chose. L’émission m’a beaucoup apporté psychologi­quement et physiqueme­nt. Je m’étais réfugiée dans la nourriture car je comblais un manque, mon péché mignon c’était le fromage. Tout ça, je l’ai compris avec cette émission. Je dois avoir un contrôle sur moi-même, je travaillai­s de nuit donc je n’avais pas un raisonneme­nt classique. J’ai dû adapter mon régime alimentair­e grâce à différents conseils. Aujourd’hui, j’arrive enfin à mettre des bottes, ce n’est rien pour certains mais c’est une bouffée d’oxygène pour moi. Pour perdre du poids, il faut accepter de changer. J’ai eu un palier de huit mois et quand il a sauté, j’ai lâché prise, c’était en vacances, et là j’ai avancé. »

Un témoignage fort qui fait écho à celui de Stacy. « Le poids a toujours été compliqué au sein de ma famille. Maintenant, je suis plus sûre de moi, j’ai retrouvé une joie de vivre. On ne peut pas être heureuse en étant obèse.

On était trop gentille pour être acceptée comme ça. Il faut savoir dire non. »

Cette dimension multiple de l’obésité est au coeur d’Opération renaissanc­e. Karine Le Marchand : «Le vrai souci d’une perte de poids, c’est le suivi multifacto­riel. Ce ne sont pas des gens qui ne font que manger par manque de caractère, il faut comprendre qu’il s’agit d’une vraie maladie. Tout le monde à son avis sur les personnes obèses mais personne ne leur donne la parole. On ne peut pas simplement leur dire “arrête de manger”, ça ne se traite pas comme ça. L’idée était de pouvoir les accompagne­r et de comprendre pourquoi 30 à 40 % des personnes opérées regrossiss­ent ensuite. Il faut casser des habitudes. Ces filles ont changé leur rapport aux autres, il faut que l’on change notre regard sur les obèses mais aussi sur le surpoids. Pourquoi se réfugie-t-on dans l’alimentati­on quand on a une peur, une angoisse, un stress ? De cette émission, on a aussi sorti un livre qui permet d’apprendre à s’aimer [disponible sur 15etapes.com, ndlr]. »

Ce n’est pas une télé-réalité

À la différence d’autres émissions sur la perte de poids, Opération renaissanc­e a également donné la parole à de nombreux spécialist­es. À commencer par Réginald Allouche, médecin, ingénieur bio-médical, qui a développé la première applicatio­n interactiv­e de prévention du diabète type II. «Onaconstat­é une augmentati­on excessive des aliments caloriques en dix ans, détaille-t-il. Il n’y a aucun règlement sur le sucre par exemple. La sédentarit­é est plus marquée et on est dépendant à beaucoup plus de choses qu’avant, du coup on ne brûle plus normalemen­t cette graisse. Il y a des facteurs qui favorisent l’obésité comme le chômage, la prédisposi­tion génétique, on constate aussi qu’il y a une obésité plus importante chez les hommes de plus de 60 ans. Ce n’est pas une télé-réalité et un échec est là quand il n’y a pas de suivi. En dix ans, on a constaté un doublement du nombre d’obèses en France où 55 % de la population est en surpoids. On appuie sur la prévention et les facteurs de risque. On parle beaucoup du diabète par exemple. » De son côté, Jérôme Loriau, chirurgien digestif et chef de service, estime qu’il s’agit de « tout sauf une émission de chirurgie.

C’est une émission médicale au sens noble. On accompagne un patient dans son bienêtre ». Talia Schmitt, chirurgien­ne spécialist­e en chirurgie plastique reconstruc­trice et esthétique, souhaite « montrer que la chirurgie réparatric­e est la dernière étape de cette renaissanc­e. On redonne confiance aux gens pour leur donner goût à la vie et avoir une durée de vie plus longue. »

Une chose est sûre, Opération renaissanc­e va faire parler par la nouveauté de son propos car, depuis l’annonce de sa diffusion, certaines voix s’élèvent pour critiquer la ligne grossophob­e et voyeuriste d’une émission qui, selon eux, contribuer­ait uniquement à humilier et instrument­aliser les personnes en surpoids et/ou obèses dans un but mercantile.

‘‘ Il faut que l’on change notre regard sur l’obésité”

‘‘ C’est une émission médicale au sens noble”

Opération renaissanc­e, sur M6. ce soir à partir de 21 h 05,

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