Votre attestation « couvre-feu 18 h »
Q «uand on vous entend aujourd’hui, on se rend compte qu’on a affaire à quelqu’un qui a du recul, qui sait réfléchir, qui est capable de verbaliser. Et on se dit comment ce jeune homme, qui a une femme et un enfant, a-t-il pu se retrouver là ? » Il est un peu plus de 11 h hier matin, et Maud Touitou interpelle son client Benjamin Lanvin, qui vient de répondre longuement aux questions de la cour d’assises spéciale, devant laquelle il comparaît pour association de malfaiteur terroriste. L’avocate enfonce le clou : « Vous vous rendez compte que ces atouts peuvent aussi être un handicap pour vous ? »Le Mentonnais baisse la tête pour répondre: « Ce que je recherchais à l’époque correspondait à une faille que j’avais en moi. Cette idéologie-là m’a permis de m’affirmer, de me fantasmer en soldat de Dieu, en soldat du califat. Aujourd’hui, je m’en veux énormément. » Depuis son interpellation, le 7 novembre 2017, Benjamin Lanvin, aujourd’hui âgé de 31 ans, est derrière les barreaux.
L’instruction conduite dans le cadre du démantèlement de la « cellule mentonnaise » lui a attribué un rôle suffisamment important pour justifier son maintien en détention. D’abord, il est le meilleur ami de Yannis Ziari, mentonnais comme lui et administrateur des chaînes Telegram sur lesquelles se préparaient les projets d’attaques terroristes. Ensuite, Benjamin Lanvin s’est montré particulièrement déterminé dans les écoutes et conversations recueillies par les enquêteurs. Un engagement que l’accusé ne conteste pas : « J’étais sous une forme d’emprise. J’avais commencé à regarder des vidéos de “19HH” (1) en 2014, puis je me suis laissé entraîner par les recommandations sur Internet. J’avais l’impression que tout s’expliquait, que tout prenait sens. »
« On vit dans cet univers, où la violence est totalement banalisée »
Dès lors, bercé jusque dans sa voiture par des chants religieux, le Mentonnais s’enfonce dans un monde peuplé de mécréants, se persuade que la France lui interdit de pratiquer sa religion et rêve sa vie en terre sainte. En avril 2015, la police l’empêchera in extremis de rejoindre la Syrie via la Turquie, en compagnie de son petit frère Jordan et des frères Ziari.
Mais en 2017, sa motivation est intacte. Et l’opportunité de fréquenter d’autres aspirants djihadistes sur Telegram le pousse à aller plus loin. Une conversation en particulier alertera les services antiterroristes. Elle se tient le 15 octobre 2017 dans la voiture de la mère de Benjamin Lanvin, qui a été « sonorisée » par les enquêteurs, et implique Yannis Ziari.
Les deux hommes évoquent l’achat d’un couteau de chasse, puis Benjamin imagine un scénario : « Comme je disais, le quai de la gare de Monaco, tu y vas vers 17 h 30-18 h. Le quai direction Nice il est noir de monde. Tu rentres làdedans putain, en plus c’est étroit, les gens ils peuvent pas s’enfuir ! (…) Tu mets un frère de chaque côté, tu fonces dans la foule comme ça et tu te dis vasy je m’arrête pas… » « Quand mon avocat me lit des passages comme celui-là, je suis horrifié, assure aujourd’hui le Mentonnais. Quand on est dans la djihadosphère, on vit dans cet univers, où la violence est totalement banalisée. Mais je n’ai jamais réellement imaginé passer à l’acte. Je n’ai pas assez de haine en moi pour ça. »
1. Série de vidéos réalisées par le Niçois Omar Diaby, qui fut à la tête d’une faction de combattants français en Syrie et serait aujourd’hui captif d’un groupe rival.