Le centre-ville de Toulon à l’heure du couvre-feu
À 18 heures hier soir, les boutiques avaient tiré le rideau et les passants déserté les rues. Une atmosphère un brin sinistre régnait dans les rues de la capitale du Var. Ambiance
Il est 17 h 45. Avec un mistral à déplumer les gabians et un mercure à la hauteur du moral des Français, les rues de centre-ville de Toulon ne sont pas franchement une invitation à la flânerie. Entre chien et loup, même les étourneaux n’ont pas leur cri à dire : on est le mardi 12 janvier, et du couvre-feu imposé à 18 h dans le Var naît un concert lugubre. Celui des rideaux métalliques qui se baissent en gémissant.
« Cette mesure, ce n’est pas neutre, soupire Pascal, gérant d’Epicery & Co. Moi, entre 18 h et 18 h 30, je fais 10 % de mon chiffre d’affaires avec des clients qui viennent acheter l’apéro ou une bouteille pour la soirée… »À deux pas de là, Nicolas ferme les grilles de sa galerie de « créations tropicales ». Par contre lui n’a pas l’air plus traumatisé que ça. « Un couvre-feu en plein été, ça serait différent. Mais là, il n’y a déjà plus grand monde. »
Dans la rue des Arts, les rares piétons accélèrent le pas à mesure que l’heure tourne. « J’habite à Claret, nous lance Jean-Charles, visiblement pressé. Autant vous dire que je ne suis pas rendu… » Les ombres fuyantes défilent, claquant la semelle sur le pavé. Dans la lumière blafarde, trois jeunes, pas du genre à attendre le feu vert pour traverser au passage piéton, se préparent également à plier bagage. « Nous aussi on a un business à faire tourner… Mais bon, si y’a plus personne dehors après 18 h, autant se rentrer au chaud. »
La police municipale fait sa ronde
Les gens sont visiblement sur la route, désormais, si l’on en croit un boulevard de Strasbourg congestionné, couleur rush hour. Les derniers commerçants à fermer philosophent, résignés. « Une heure de plus ou de moins… Qui a envie de faire du shopping en ce moment ? », se désespère Karinne, dans sa boutique de vêtements Seconde chance.
Il est 18 h passées. Dans les rues adjacentes au cours Lafayette, c’est ambiance western (en Alaska) avant le duel. Ne manque que les boules d’herbe… avantageusement remplacées par quelques cartons souillés. La police municipale a lancé sa ronde, prévenant un commerçant retardataire qu’elle ne sera pas tous les soirs aussi tolérante sur les horaires.
Dans l’obscurité, adossés à la fontaine de la place Puget, Maeva et Elliot laissent filer l’espace et le temps, s’enfonçant doucement dans « l’illégalité ». « Pff, je suis libre s’énerve la jeune femme. Qu’on vienne me dire de rentrer chez moi ! Bon, on va quand même pas tarder : pas à cause du couvre-feu, mais parce qu’il commence vraiment à cailler ! »