Déconfinement de mars : un carnage pour les oiseaux
Après avoir retrouvé la paix dans une nature sans présence humaine, leurs nids et leurs petits ont été massacrés quand les forêts et les plages ont été à nouveau piétinées au printemps
Tout allait bien quand les Varois étaient confinés à la maison. Rien n’allait plus, quand les beaux jours revenus, ils ont retrouvé la liberté. Selon Vincent Mariani, chargé de mission au conservatoire d’espaces naturels Provence-Alpes-Côte-d’Azur, « ce déconfinement a été un désastre pour les oiseaux. »
L’aigle de Bonelli a été plus perturbé que d’habitude par les randonneurs, qui se sont pressés de rattraper le temps perdu. Il fait pourtant partie des treize espèces classées « en danger critique » sur la Liste rouge régionale des oiseaux nicheurs, de passage et hivernants. Il n’existe qu’une trentaine de couples sur tout le pourtour méditerranéen français. Grimpeurs et parapentistes ont dérangé plus que d’habitude les aigles et faucons crécerelle.
Nichées détruites
Sur les plages, en particulier dans le bassin hyérois, dans les zones non protégées, les nichées des sternes et des gravelots à collier interrompu, ont été piétinées, écrasées par les motos et vélos ou détruites par des chiens non tenus en laisse. Sans compter le dérangement perpétuel à cause du bruit ou des curieux, qui tout en s’émerveillant d’avoir découvert un nid, ont mis en danger la vie des petits.
La sterne et ce gravelot font partie des espèces menacées. Heureusement, explique Aurélien Audevard, ornithologue pour la Ligue de protection des oiseaux, dont le siège régional est à Hyères, dans les espaces protégés, comme les Salins des Pesquiers, la reproduction a pu être menée à terme. Ces salins sont devenus au fil du temps un endroit sûr pour le gravelot à collier interrompu notamment. Il apprend au fil des ans que la plage de l’Almanarre, qui est pourtant son biotope optimal de reproduction, est un endroit où l’échec de reproduction est trop important et le dérangement permanent.
« Avec le confinement, poursuit-il, le calme sur les espaces naturels a cependant permis à quelques migrateurs de stationner sans avoir à s’envoler en permanence et donc de gaspiller inutilement leur énergie. Ce qui n’est pas du luxe, surtout quand on doit réaliser une migration de 7 000 kilomètres. » D’où l’importance des zones humides par exemple, comme les salins d’Hyères, qui sont une étape incontournable pour ces migrateurs. Ces sites leur offrent aussi la nourriture dont ils ont besoin.
Des prédateurs affamés
Le confinement a cependant eu un effet inattendu, qui lui aussi a porté atteinte à certains oiseaux : « La prédation s’est accentuée durant cette période sur les oiseaux nicheurs des salins d’Hyères », explique Aurélien Audevard. En effet, certains prédateurs comme les goélands leucophées et les corneilles noires, ont crié famine, durant le confinement. Faute de visiteurs, les poubelles étaient vides. Pas le moindre petit reste de sandwich à se mettre dans le bec. Du coup ils se sont rabattus sur les nids des gravelots, des échasses et des avocettes.
Ce déconfinement a été «uncarnage pour les oiseaux » n’hésite pas à dire Vincent Mariani. Comme quoi la nature vit d’un équilibre très précaire, que l’humain oubliant qu’il n’est pas seul sur la planète, perturbe sans arrêt. Le prochain déconfinement, s’il survient au printemps, pourra-t-il en tenir compte ? Les ornithologues devront se faire entendre.