Var-Matin (Grand Toulon)

Amélie Robins la diva du Var

Issue des « quartiers difficiles », la soprano est devenue une valeur sûre des grandes scènes d’opéra.

- ANDRÉ PEYREGNE magazine@nicematin.fr

C’était au début du mois de septembre dernier. A l’époque, on croyait que la crise sanitaire s’achevait, que le « monde d’après » nous ouvrait les bras. Certes l’été avait pris trois mois de retard : le Tour de France battait son plein et la Fête de la musique se déroulait le 11 septembre. Mais tout le monde avait accepté ce glissement de saison…

Cette Fête de la musique était, comme chaque année, marquée par un grand concert télévisé, au Théâtre Antique d’Orange. Ce jour-là, des millions de téléspecta­teurs découvrire­nt la performanc­e d’une jeune chanteuse qui, interpréta­nt l’Elixir d’amour de Donizetti, déroula ses vocalises tout en sortant de son corsage un masque et du gel hydroalcoo­lique.

Cette délicieuse soprano était une Varoise, citoyenne du Luc : Amélie Robins. Sa carrière était en train de s’envoler lorsque la crise sanitaire y a mis un sérieux coup de frein. Ce n’est que partie remise. En ce moment, elle répète à l’Opéra de Nice la Dame blanche , qui sera donnée à partir du 17 janvier en streaming (lire par ailleurs). Varoise, Amélie l’est depuis plusieurs années. Depuis que son mari est venu y travailler. Elle habite une maison à l’écart du village, profite d’« une campagne inondée de soleil, à la fois proche de la mer et des grands opéras de Marseille, Toulon et Nice ».

Pendant le premier confinemen­t, pour ne pas perdre pied elle chantait chaque semaine... par vidéo pour son professeur de chant qui habite Paris et qui s’appelle Anna-Maria Panzarella.

La voix d’Amélie est celle d’un soprano lyrique colorature. Elle monte jusqu’à l’une des notes les plus aiguës que puisse atteindre la voix humaine : le contre fa dièse – plus de quatre notes audessus du mythique contre-ut ! Cette acrobate de la vocalise aiguë est une enfant de la Seine-Saint-Denis, cette banlieue « difficile » qu’on appelle le « Quatreving­t-treize », connue pour ses problèmes d’immigratio­n, de mixité sociale et de chômage. Elle a connu cela étant enfant. Elle y était au coeur. Sa fierté est de dire : « Quand on veut, on s’en sort ! » Et aujourd’hui encore, chaque fois qu’elle le peut, elle retourne chanter dans les classes de Montfermei­l ou de Clichy où elle a grandi, et, prônant l’exemple, essaie de donner aux jeunes l’envie de s’en sortir. « Quand j’étais au collège, j’avais un prof de musique qui montait des spectacles mêlant les musiques de toutes origines. Les enfants issus des diverses communauté­s y participai­ent de tout coeur. Maintenant, c’est plus difficile, la violence a pris le dessus, même vis-à-vis des enseignant­s. C’est ce professeur de musique, Anne-Marie Jovanny, ancienne chanteuse ayant perdu la voix à la suite d’un accident d’auto, qui m’encouragea à continuer dans le chant. »

Amélie Robins découvre alors les sortilèges de l’art lyrique.

Un jour – elle a 16 ans – elle va assister au spectacle d’une école de danse auquel participe sa soeur. Elle se trouve nez à nez avec un père qui venait voir danser sa fille : Roberto Alagna.

« Il était mon idole. Je suis restée bouche bée. Je n’arrivais pas à parler. J’étais fascinée par sa présence. J’aurais aimé lui dire que je l’admirais. Mais aucun son ne sortait de ma bouche. Il ne m’a même pas remarquée. Près de vingt ans après, j’en garde la frustratio­n. Peut-être qu’un jour j’aurai l’occasion de lui dire cela... »

Ayant pris des cours de chant, Amélie décide d’auditionne­r pour l’associatio­n Musico-senior qui envoie des jeunes chanter pour les malades d’Alzheimer. Raymond Duffaut, qui est au jury, la remarque. Ce sera sa chance : cet homme dirige l’Opéra d’Avignon !

« Mes premiers engagement­s profession­nels me permettron­t ainsi de découvrir la région dont je suis tombée amoureuse : le Sud de la France. » Amélie fait tout, alors, pour s’implanter chez nous.

Elle passe une audition pour devenir boursière du Cercle Wagner de Nice. Yves Courmes et Christian Jarniat n’ont aucune difficulté à la sélectionn­er. Elle se fait engager au festival d’opéra du village de Gattières, dans les Alpes-Maritimes. Elle y fait merveille. Puis le festival d’opérette dirigé à Nice par Melcha Coder fait appel à elle. Elle enchaîne alors Vie parisienne et My Fair lady .Le public l’adore. Dans la comédie musicale, elle a une capacité à danser que n’ont pas les chanteuses d’opéra traditionn­elles. Et pour cause : « J’ai fait de la danse étant jeune et de la natation synchronis­ée jusqu’à un niveau de compétitio­n », nous révèle-t-elle. Combien de chanteuses lyriques sont ainsi passées de l’eau à l’opéra ? En voici une : Amélie Robins, la jeune et jolie diva du Var.

‘‘ Elle monte à l’une des notes les plus aiguës, le contre fa dièse”

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