Var-Matin (Grand Toulon)

Pop-rock Ces studios qui ont écrit la légende

Super Bear à Berre-les-Alpes, Miraval à Correns : ils ont enregistré les plus grands, de Queen à Pink Floyd. Un livre raconte ces Studios de légende.

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

Savez-vous ce qui est blanc, tout en briques, éternel à 40 ans passés, et qui a été construit entre Alpes-Maritimes et Var ? Non ? Allez, on vous la donne : The Wall de Pink Floyd. Chef-d’oeuvre de l’histoire du rock, ce double album incarne deux faces glorieuses de la musique dans le Sud-Est : Super Bear et Miraval. Deux studios d’enregistre­ment aujourd’hui éteints. Deux adresses mythiques ramenées en pleine lumière par le livre Studios de légende, secrets et histoires de nos Abbey Road français, signé du journalist­e Manuel Jacquinet. Pink Floyd, donc. Mais aussi Sting, Chris Rea, The Cranberrie­s, The Cure, AC/DC... Bienvenue à Miraval. Le gratin du rock et de la pop s’est pressé dans ce studio varois ouvert en 1977 à Correns, jusqu’à son rachat par le couple Pitt-Jolie en 2011. Studios de légende consacre un court chapitre à l’aventure Miraval aux côtés des Ferber, Davout, Château d’Héro uville, Gang ou Mega. On y replonge dans les souvenirs du studio créé par deux Frenchies, le compositeu­r et pianiste Jacques Loussier et l’ingénieur du son Patrice Quef.

« Merveilleu­x, mais... »

« Il y avait dans ce château des portants magnifique­s, des salles avec des chambres d’écho naturel extraordin­aires ainsi qu’un piano magnifique », se souvient Maxime Le Forestier. Le chanteur fut l’un des premiers à étrenner les lieux. Mais il n’a rien gardé de ses prises studio. Miraval était « merveilleu­x », mais « pas adapté » pour lui. «Onvitet travaille sur place, comme dans tous les studios résidentie­ls. Certes dans un très beau cadre, mais moi, j’ai besoin d’horaires. »

Allons bon ! Douceur de vivre et émulation créatrice ne s’accorderai­ent pas ? Tss, tss : les stars du rock vont prouver le contraire. Avec quelques étincelles au passage.

Manuel Jacquinet raconte comment les médias de l’époque ont irrité The Cure et Indochine, qui s’y succèdent en 1987. En cause : le parallèle insistant entre le look de la bande à Nicola Sirkis et celle de Robert Smith. Indo est venu passer l’hiver dans le « seul studio avec fenêtre existant en France ». Pour d’autres, Miraval, « c’était le rêve américain ». Laurent Jaïs, ex-Frères Misère avec Mano Solo, raconte « les poils qui se hérissent (...) quand on enregistre dans la même salle que AC/DC ». 1977, c’est la naissance de Miraval dans le Var, et l’arrivée d’une «météorite » sur la Côte d’Azur : Super Bear, à Berre-les-Alpes. À son tableau de chasse : Queen, Pink Floyd, Elton John, Paul McCartney, Ringo Starr – excusez du peu. Sans oublier Francis Cabrel, Antoine ou Dick Rivers côté french touch. «De tous les studios que j’ai vus, c’est le plus légendaire et le plus méconnu », s’étonne Manuel Jacquinet.

« Aura de mystère »

Super Bear, c’est l’oeuvre de Damon Metrebian, un jeune musicien anglais ambitieux qui, un jour, débarque dans la vallée du Paillon avec du beau monde. John Etchells, exingénieu­r du son à la BBC, tient les manettes de la table de mixage, assisté par Patrick Jauneaud. Ils vont enregistre­r la crème du rock dans cet ancien restaurant. Damon Metrebian cherchait un point de chute discret sur la French Riviera chère aux riches Britanniqu­es. Il craque pour cette bâtisse, son bassin à truites aussitôt reconverti en piscine à deux niveaux, et la

« bouillabai­sse épatante » d’un propriétai­re qui lui rappelle son père. Propulsé par un album de David Gilmour, Super Bear offrira une bulle « féconde » aux plus grands. Aux Floyd, qui s’écharpent mais conçoivent leur mythique The Wall.

Ou à Queen, qui se relaxe en tenue de bain à la piscine, entre deux prises de Don’t stop me now.

L’interview de Damon laisse sur sa faim. Pas question pour lui de trahir les secrets de Super Bear, disparu dans les flammes d’un incendie en 1986. Il préfère lui conserver son « aura de mystère », mais livre des anecdotes savoureuse­s. On apprend qu’une petite annonce dans

Nice-Matin a guidé les géants du rock vers Berre-les-Alpes, préféré à

Saint-Martin-Vésubie et Saint-Paulde-Vence. Et qu’à sa grande époque, Super Bear pouvait se payer le luxe de snober Fletwood Mac, Supertramp ou les Stones ! Miraval, Super Bear : « Deux studios résidentie­ls parmi les plus grands studios internatio­naux, remarque Manuel Jaquinet. Le premier a été fait par des Français, l’autre par des Anglais ». Mais chacun a su miser sur un ingé son de talent et sur les atouts de notre région. À l’arrivée, chacun laisse des traces indélébile­s dans nos tympans et notre imaginaire.

‘‘ Super Bear, le plus légendaire et le plus méconnu”

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(Photo archives Sophie Donsey) L’ingénieur du son Patrice Quef à Miraval.
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■ Studios de légende, secrets et histoires de nos Abbey Road français, de Manuel Jacquinet. Editions Malpaso-Radio Caroline Média. 352 Pages. 39 euros.

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