Var-Matin (Grand Toulon)

R. Muselier : « Je trace le cap dans la tempête »

À Toulon, le président de la Région a regretté le peu d’écoute du ministre de la Santé et vanté sa propre action face à la crise, laissant peu de doute sur sa candidatur­e à un nouveau mandat

- Entretien : Pierre-Louis PAGÈS Thierry PRUDHON et Guillaume AUBERTIN

Renaud Muselier n’en finit pas de parcourir les territoire­s du sud. À Toulon le 5 janvier dernier pour la venue du Premier ministre, le président de la région Provence - Alpes - Côte d’Azur était de nouveau dans la capitale varoise hier après-midi. Pour signer le contrat régional d’équilibre territoria­l, cette fois.

Et la semaine prochaine l’amènera à Nice. Lorsqu’il n’est pas sur les routes, Renaud Muselier multiplie les interviews dans lesquelles il retient de moins en moins ses mots contre le ministère de la Santé – « un état dans l’état » –et celui qui l’incarne : Olivier Véran. Certains voient dans cette hyperactiv­ité le début de la campagne des régionales. Bien que donné vainqueur par les sondages, l’intéressé rétorque qu’il n’est pas, pour l’instant, candidat à sa propre succession. Que la seule campagne qu’il mène aujourd’hui est celle de la vaccinatio­n pour sortir la région Sud-Paca d’une triple crise sanitaire, économique et sociale. Pressé, Renaud Muselier l’est assurément. Mais il a quand même pris le temps de répondre à nos questions pour valoriser son action. Entretien.

Après avoir été plutôt mesuré à l’égard du gouverneme­nt, vous êtes devenu très critique. À quoi est dû ce changement ? Durant le premier confinemen­t, les régions ont apporté des moyens humains, techniques et financiers pour faire face à la crise, en bannissant toute polémique. Nous avons alors mesuré l’immensité de la tâche et les carences de notre pays dans l’organisati­on sanitaire en période de crise. Durant l’été, nous avons fait des propositio­ns pour la fermeture des plages, les mariages, le couvre-feu… Mais nous n’avons pas été écoutés. Le deuxième confinemen­t est venu compliquer un peu plus la situation économique et sociale, ce qui nous a poussés à émettre des réserves sur la méthodolog­ie. C’est quand même le ministère de la Santé qui, au départ, nous a expliqué que les masques n’étaient pas nécessaire­s. Et quand la doctrine a changé, ce sont les régions qui en ont fourni  millions, dont  millions en Provence - Alpes - Côte d’Azur. Idem pour les tests. La région Sud a investi , milliard, avec l’État, dans les fonds de solidarité.

Vos relations avec Olivier Véran sont difficiles… Estimez-vous qu’il doit quitter son poste ? Les présidents de Région lui ont écrit à deux reprises pour se mettre à sa dispositio­n, en matière de logistique, pour accélérer la campagne de vaccinatio­n. Ces courriers sont restés sans réponse. Il a évolué en accédant, mercredi, à deux de nos demandes : la création de cellules régionales de pilotage de la vaccinatio­n, pour connaître notamment le nombre de vaccins disponible­s et bien préparer les phases  et , puisque la phase  de la vaccinatio­n a été poussive ; et la prise en considérat­ion du fait qu’il faut réussir à convaincre les gens de se faire vacciner, puisqu’on ne peut les y forcer.

La défiance d’un certain nombre de Français envers la vaccinatio­n est-elle un obstacle à sa réussite ?

Il faut d’abord avoir les vaccins et vacciner ceux qui le veulent, avant de forcer ceux qui ne le désirent pas. Si l’on veut arriver à une immunité collective, il faut vacciner au moins  % de la population. Pour convaincre ceux qui doutent, il faut rappeler que nous sommes tous vaccinés dès l’enfance contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyéli­te. Et chez les jeunes femmes, le vaccin contre le papillomav­irus permet de prévenir le cancer de l’utérus. Sur le plan pratique, nous proposons des bus Zou vaccinatio­n pour faire le tour de notre territoire, nous avons  maisons de santé dans toute la région et nous pouvons nous appuyer sur   pharmacies. En France, on réalise chaque année  millions de vaccins contre la grippe en un mois. Pourquoi ne pourrait-on pas le faire pour la Covid, malgré la contrainte frigorifiq­ue ? Si on estime que trente millions de Français peuvent vouloir se faire vacciner, à raison d’un million par mois, il va falloir presque trois ans : l’immunité collective n’est pas arrivée ! Notre système de santé peut être plus efficace, à condition qu’on lui fasse confiance. Il faut que le ministère se débunkéris­e et passe d’une guerre de tranchées à une guerre de mouvement.

Vous avez demandé que les régions puissent acheter des vaccins. Mais est-ce matérielle­ment possible ?

C’est nécessaire et c’est matérielle­ment possible. Nous avons écrit aux quatre fabricants et seul Pfizer nous a dit non. La difficulté, aujourd’hui, est d’obtenir l’autorisati­on du gouverneme­nt pour négocier en direct. C’est plus compliqué que pour les masques. Seules huit régions sur douze en métropole sont demandeuse­s de dix millions de vaccins. C’est comme ça que nous avons réussi à faire venir des masques, par des commandes raisonnabl­es qui peuvent se glisser facilement parmi les grandes fabricatio­ns.

Êtes-vous favorable à une éventuelle fermeture des cantines dans les lycées ?

Non. Tous nos lycées sont restés ouverts en étant fournis en gel, en masques et maintenant en tests,   étant programmés au cours de ce mois de janvier.

Les efforts consentis font que nous n’avons eu que deux lycées fermés une semaine, dans les Alpes-Maritimes et le Vaucluse, durant toute cette crise. Sur les   tests déjà effectués dans nos lycées depuis début janvier, nous avons eu zéro cas positif. Il faut ouvrir et retrouver la vie, dans les lycées comme les université­s. Les dégâts sociaux, intellectu­els et familiaux sont trop lourds.

La propagatio­n du variant anglais vous inquiète-t-elle ? Tout m’inquiète, je suis attentif à tout. L’IHU du Pr Raoult est l’un des trois centres de séquençage en France et d’après ce que dit son bras droit, le Pr Parola, ce variant anglais est déjà le septième depuis le chinois. Les variants britanniqu­es et sud-africains ne sont a priori pas plus dangereux. Ils sont plus virulents mais, jusqu’à preuve du contraire, le vaccin les éradique.

Christian Estrosi veut bannir les vacanciers de sa ville en février. Cela va un peu à l’encontre de votre politique de promotion touristiqu­e…

Il n’y a pas une feuille de papier entre Christian Estrosi et moi. Il règne une harmonie politique, très profitable à la région, entre lui, moi et Hubert Falco, le président de la métropole toulonnais­e. Nous sommes un peu comme une première ligne de rugby. Ceci étant, il existe des situations différente­s sur le plan sanitaire. Et, aujourd’hui, il y a dans les Alpes-Maritimes des taux d’incidence, de positivité et de patients en réanimatio­n qui sont bien plus alarmants que dans les autres départemen­ts. Christian Estrosi est donc confronté à une problémati­que très spécifique. Nous devons apprendre à vivre avec le virus et accepter de consentir des efforts quand ça va mal. Si vous avez du diabète ou du cholestéro­l, il faut adapter votre régime. Nous devons nous adapter en territoria­lisant.

Vous avez dit que vous vous représente­rez en fonction de votre réussite à sortir de la crise. Quels seront vos critères d’évaluation ?

Je suis un capitaine à la barre. Nous sommes dans la tempête. Certains passent par-dessus bord, vomissent à la cale ou ont peur. Moi, j’assume, je fais face, je trace le cap, pour que notre région connaisse les meilleurs résultats possibles. Un des critères, c’est la sortie de crise… Nous venons de signer avec l’état le premier contrat de relance en France, deux fois et demi-supérieur à celui que M. Vauzelle avait signé avec M. Valls, c’est une sortie par le haut assez exceptionn­elle. Nous sommes aussi passés de  % à  % de trains à l’heure, de  % à  % de trains annulés. Si je ne suis pas encore candidat, je ne vois pas grand monde se précipiter pour tenir la barre ni me donner des conseils…

Vous avez dit aussi que si vous repartez, ce sera avec ceux qui vous ont aidé à sortir de la crise par le haut. Certains sont d’ores et déjà éliminés ? Non. Mais il y a ceux qui vous savonnent la planche et ceux qui vous aident. Je prends des risques phénoménau­x sur le plan juridique quand je vais acheter des masques ou que j’organise des tests. Je ne suis pas revanchard, je trace ma route. L’important, c’est que la région rayonne, qu’elle se relance à l’internatio­nal, que les aéroports rouvrent, que tous les trains roulent. Le service public de la Région n’a jamais failli.

Vous envisagez une liste d’alliance LR - LREM, comme le souhaite Christian Estrosi ? Je présente les choses de façon différente : ceux qui m’ont aidé viendront, ceux qui ne m’ont pas aidé ne viendront pas. Je parle par exemple volontiers avec M. Le Maire ou Mme Borne qui ont aidé le pays. Mais cous croyez que si M. Véran ou Mme Pénicaud, qui ne nous a fait que du mal, demandaien­t à être sur ma liste, je les prendrais ?

‘‘ Le ministère doit passer d’une guerre de tranchées à une guerre de mouvement”

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(Photo Sophie Louvet) « Notre système de santé peut être plus efficace, à condition de lui faire confiance. »

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