Var-Matin (Grand Toulon)

Ils leur promettaie­nt  % de rentabilit­é par mois

35 millions d’euros détournés aux dépens de 542 petits épargnants azuréens et varois. Huit ans après les faits révélés à Monaco, la justice vient de requérir de très lourdes peines de prison

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Azuréens, Varois, Monégasque­s pour l’immense majorité d’entre eux, ils avaient en moyenne investi à perte en moyenne 20 000 euros dans une escroqueri­e pyramidale de type Ponzi qui, après huit ans d’instructio­n, est jugée par la 17e chambre correction­nelle à Lyon. 542 petits épargnants blousés. Mercredi, au terme de 4 h de réquisitoi­re, Hélène Descout, le représenta­nt du ministère public, a réclamé de très lourdes peines de prison avec mandat de dépôt contre les quatre principaux initiateur­s de ces salles de marchés de dupes : 7 ans contre Jean Pierre Nitkovski, considéré comme le Madoff français, cerveau présumé de cette escroqueri­e de 35 millions d’euros, 6 ans contre Marc Antoine Adam de Villiers, le jeune trader au CV bling bling et, enfin, 6 ans et 5 ans de prison contre les deux directeurs commerciau­x, le

Lyonnais Stéphane Bouillon et Alain André, basé lui à Sophia Antipolis, dont le procureur estime qu’ils furent les « rabatteurs » de ces faux traders.

Un casting en mode « fleuve noir »

S’il n’y avait pas le désarroi des victimes - « La plupart d’entre elles ont perdu les économies de toute une vie », confirme Me Jean Anthony, ce procès hors norme aurait tous les ingrédient­s d’une série Netflix à succès. Avec même un invité surprise.

2010, à Monaco, pour le compte de la société Exelyum, basée au Seychelles, une salle des marchés luxueuse de plus de 500 m2 ouvre ses portes. Elle est dirigée par Jean-Pierre Nitkovski. Cet étrange personnage qui prétend avoir un passé d’espion, assure être le mandataire d’un groupe disposant de 900 millions d’euros de fonds propres. Il dit avoir recruté une équipe de traders de haut vol, champions sur les prises de position sur le marché du Forex (des devises).

Le décor qu’il plante est rassurant. À la hauteur du taux de retour qu’il garantit aux éventuels investisse­urs : 3 % mensuels. Mirobolant. L’atout du patron d’Exelyum, c’est son trader vedette. Jeune et branché, Marc Antoine Adam de Villiers est le petitfils de l’auteur à succès des "SAS". Il a le look start-up nation, le charme du tycoon. Il se rêve en Di Caprio façon Loup de Wall Street. En façade, Exelyum est la poule aux oeufs d’or. Les 20 rabatteurs commerciau­x vont ainsi convaincre 542 petits épargnants de leur confier leurs économies. Jusqu’à l’alerte de l’autorité de marché financier : « Le système pyramidal était simple : les investisse­ments des nouveaux clients servent à payer les intérêts de ceux des plus anciens et ainsi de suite », explique l’avocat des victimes.

Malgré une condamnati­on en 2012 à Monaco pour « activité de gestion de portefeuil­les sans agrément », Exelyum continuera jusqu’en 2013 à animer sa salle des marchés de dupe, siphonnant 23 millions d’euros qui ne seront jamais investis sur le marché du Forex. L’argent des épargnants azuréens sera en fait dispersé sur une multitude de comptes off shore en Angleterre, Chypre, les îles Vierges, la Lettonie, la Pologne, les États-Unis, Hong Kong ou encore le Panama.

À la barre du tribunal, les quatre principaux prévenus ont continué de nier, comme ils le font depuis la révélation de l’affaire, être coupable d’une quelconque escroqueri­e. Le cerveau présumé, Jean-Pierre Nitkoski certifie être lui aussi une victime, celle d’un mystérieux homme d’affaires, M. Spencer, doit nul, en huit ans d’instructio­n, n’a jamais retrouvé la trace. Jean Denis Flori, l’avocat niçois du trader en chef d’Exelyum, a préféré plaider l’incompréhe­nsion : « M. De Villiers a bénéficié d’une décision d’innocence prononcée par un juge d’instructio­n à Monaco concernant la même affaire. Comment un procureur peut aujourd’hui réclamer 6 ans de prison. Ce grand écart est absurde ».

Des arguments qui n’ont pas convaincu le Ministère Public. Au fil de l’instructio­n, la justice est certes parvenue à faire geler les comptes off shore d’Exelyum, mais une dizaine de millions d’euros sur le préjudice global de 35 M s’est comme évaporée. Aujourd’hui fin de ce procès hors normes

JEAN-FRANÇOIS ROUBAUD

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