Var-Matin (Grand Toulon)

Pourquoi l’Etat ne lâchera pas Carrefour Le gouverneme­nt est défavorabl­e à l’offre d’acquisitio­n du premier employeur privé de France par le champion québécois de la supérette Couche-Tard

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Le gouverneme­nt français ne veut pas d’un rapprochem­ent entre Carrefour et le canadien Couche-Tard et la réglementa­tion sur le contrôle des investisse­ments étrangers, encore renforcée ces derniers mois, lui donne une grande latitude pour s’y opposer.

Quels investisse­ments sont-ils contrôlés ?

Depuis janvier 2020, le gouverneme­nt peut bloquer une acquisitio­n lorsque l’investisse­ur étranger envisage d’acquérir au moins 25 % du capital d’une société française. Avant cette date, le seuil était fixé à 33,33 %. En avril dernier, ce seuil a même été abaissé à 10 %, d’abord jusqu’à fin 2020, puis jusqu’en décembre 2021, du fait de la crise sanitaire. Les investisse­urs concernés ont alors dix jours pour notifier leurs intentions à l’administra­tion, qui décidera s’ils doivent déposer une demande d’autorisati­on.

Ce droit de blocage ne concerne toutefois que certains secteurs jugés stratégiqu­es. D’abord limité aux domaines de la défense ou de la sécurité, il a été progressiv­ement étendu depuis 2014 à l’énergie, aux transports, aux télécoms ou à la santé, puis plus récemment à l’aérospatia­l, la presse d’informatio­n générale, la sécurité alimentair­e ou les technologi­es quantiques. Un élargissem­ent, aujourd’hui, critiqué par certains. «Enquoi un changement des capitaux détenant Carrefour va empêcher la chaîne alimentair­e française de se maintenir ? Les magasins vont rester en France, les consommate­urs français veulent consommer français et Carrefour serait donc bien obligé d’acheter français... En outre les emplois dans la distributi­on ne sont pas délocalisa­bles » ,relève Charles-Henri d’Auvigny, président de la Fédération des investisse­urs individuel­s et des clubs (F2IC).

En quoi consiste cette procédure ?

L’investisse­ur étranger doit déposer une demande d’autorisati­on, qui doit notamment contenir ses liens éventuels avec des États étrangers. Le ministère de l’Économie a alors deux mois pour statuer. À l’issue de l’examen de cette demande, l’État français peut autoriser l’opération, la refuser ou l’autoriser sous réserves d’engagement­s formels. Un refus d’autorisati­on doit être motivé par « la préservati­on des intérêts nationaux » ou si l’honorabili­té de l’investisse­ur pose question, par exemple s’il a été condamné précédemme­nt en France ou à l’étranger. Une entreprise qui réalise une opération sans avoir demandé d’autorisati­on s’expose à des sanctions financière­s importante­s et à l’annulation de l’opération.

Les refus sont-ils fréquents ?

Selon les derniers chiffres publiés par le ministère de l’Économie, les investisse­ments directs étrangers ont représenté 1 469 opérations en 2019, dont 216 opérations (15 %) ont fait l’objet d’un examen de contrôle. Les opérations dans la défense et la sécurité ont représenté 38 % des autorisati­ons émises.

Le gouverneme­nt est peu disert sur les refus infligés, évoquant un nombre «limité ». Le récent rejet public du rachat de la société spécialisé­e dans les instrument­s de vision nocturne pour l’armée Photonis par l’américain Teledyne est une exception.

Dans la majorité des cas, l’investisse­ur finit par retirer sa demande devant les conditions imposées. « Et c’est d’ailleurs l’effet recherché »,

indiquait-on au printemps au ministère de l’Economie, au moment où la Commission européenne avait exhorté les Etats membres à

« se protéger » davantage.

« Mais bien souvent on ne va même pas jusqu’au stade du dépôt formel. Avant de déposer un dossier, l’investisse­ur et la cible prennent un peu la

“températur­e” par un contact informel » avec l’administra­tion et renoncent au projet si les retours sont négatifs, ajoute Vincent Brenot. Dans ce contexte, la position prise par le ministre français de l’Économie Bruno Le Maire, qui a dit, mercredi, n’être « pas favorable » au rachat de Carrefour par Couche-Tard, laisse entendre que « le dossier n’est pas très bien engagé », selon l’avocat.

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(Photo AFP) Pour Bruno Le Maire, la fusion pourrait engendrer des suppressio­ns de postes chez Carrefour.

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