Var-Matin (Grand Toulon)

L’adversaire virtuel

- Reporter edito@nicematin.fr L’ÉDITO de THIERRY PRUDHON

Fin , la primaire de la droite lui avait valu un méchant gadin : , % des voix à peine. Pour qui se voyait déjà à l’Élysée, le coup était rude. « Le renouveau, c’est Bruno », proclamait-il pourtant dans un slogan à l’emporte-pièce qui lui correspond­ait mal. N’est pas Chirac ou Sarkozy qui veut. Jouer le type sympa qui tape sur l’épaule et partage la cochonnail­le n’est pas offert à tout le monde. La campagne électorale, ce n’est pas vraiment le rayon de Bruno Le Maire. Il n’y peut rien, son expression physique un brin raidie ne dégage pas la franche chaleur humaine. Son truc, c’est le sérieux. Et une mécanique intellectu­elle qui est peut-être la plus affûtée de sa génération. Elle lui a permis de rebondir en douceur, l’humilité en guise de ressort à une ambition intacte. Quatre années ont passé. Et le capitaine du paquebot de Bercy a gagné ses galons de présidenti­able. Au moment du bilan du quinquenna­t, il sera sans doute le seul, avec Édouard Philippe, à avoir étoffé sa stature. Clair, pragmatiqu­e, efficace : bien plus que Jean Castex, il est aujourd’hui le Président bis, l’un des très rares que l’on imagine enfiler les patins de la fonction suprême.

Le tour de force est à saluer, dans une période où la classe politique a encore laissé des plumes. Très peu de talents convaincan­ts ont réussi à émerger au gouverneme­nt. Et l’opposition n’est pas mieux lotie : Marine Le Pen piétine, la gauche n’a plus personne à qui se raccrocher, sinon un Mélenchon qui en effraie beaucoup, les écologiste­s ne rassurent guère davantage et les quinquas de la droite peinent à asseoir leur autorité. En publiant cette semaine L’Ange et la bête – en plein marasme sanitaire et économique, il fallait oser –, le ministre de l’Économie se paie le luxe de se hisser au-dessus de la mêlée. Tout en affichant un soutien ostensible à Emmanuel Macron, il polit son image de successeur en puissance. Il dézingue les pesanteurs de notre société, ne renie rien d’une volonté réformatri­ce de droite, mais la mâtine d’une humanité forgée par le gros temps. Bref, il nous signifie qu’il a appris à « se coltiner la réalité », comme aimait à le répéter Jacques Chirac ; qu’il est prêt, désormais. Il lui reste à attendre le coup de pouce du destin. Coincé entre sa fidélité obligée au Président et son statut d’adversaire virtuel, il sait trop que le Graal est, souvent, une affaire d’alignement des planètes. L’histoire regorge d’esprits aussi brillants que le sien qui l’ont espéré en vain.

« Bruno Le Maire a appris à “se coltiner la réalité”, comme disait Jacques Chirac. »

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