Var-Matin (Grand Toulon)

Faim des entrailles en feu naquit un Nobel

Adaptation du roman le plus célèbre de Knut Hamsun. Un auteur Norvégien qui, comme son personnage, a tiré le diable par la queue avant de devenir Nobel de littératur­e en 1920 et... pro nazi.

- LAURENT AMALRIC lamalric@nicematin.fr

Celui qui fut loué comme le « père de la littératur­e moderne » telle que représenté­e par Kafka ou Sartre, voit son plus grand roman à fortes réminiscen­ces autobiogra­phiques, adapté en BD. Le Norvégien Knut Hamsun (18591952), prix Nobel en 1920, que l’on redécouvre ici, recèle pourtant bien des zones d’ombre...

Le pitch

Les pérégrinat­ions de l’alter ego littéraire mais désargenté de l’auteur, qui tente de survivre en vendant ses articles, mais finit à la rue, affamé et en proie à des hallucinat­ions...

L’avis

Comme Céline chez nous, les Norvégiens font preuve d’ambivalenc­e sur un auteur génial mais... ambigu.

Knut Hamsun n’a jamais mégoté son soutien au

Reich, Goebbels ou Hitler, qu’il rencontra à 84 ans, en 1943. Même si l’entretien tourna au fiasco, le Führer irrité, finissant par le congédier !

Si dans ses songes il imaginait Hitler en architecte d’un monde nouveau où la Norvège, débarrassé­e des tutelles danoise et suédoise, pourrait savourer une souveraine­té recouvrée, « dans le respect des valeurs de la terre », jamais Hamsun ne dénoncera ses compatriot­es ni ne sombrera dans les délires antisémite­s de Céline.

Comme l’auteur du « Voyage... », mieux vaut toutefois faire abstractio­n de ses conviction­s pour ne garder que les éclats de son oeuvre. Faim, ce « roman de la solitude », écrit dans les années 1880, et reconnu comme son joyau brut. Cette toute première adaptation en bande-dessinée par le compatriot­e Martin

Ernstsen, lui rend largement justice. Aux délires et visions hallucinée­s du personnage, Ernstsen ajoute des digression­s cartoonesq­ues, ambiance ses rencontres étranges... Autant de procédés qui participen­t à la création d’une atmosphère quasi fantastiqu­e et fascinante pour le lecteur, malgré la dureté du propos.

Le découpage dynamique du récit et ses inserts colorés en plein noir et blanc, sont également un régal sur le plan graphique. Il donne toute sa dimension au « héros », jeune écrivain sans le sou qui mâchonne des copeaux de bois pour subsister dans la ville de Christiani­a (ancien nom d’Oslo). L’archétype du « personnage hamsunien » comme défini par le journalist­e Emmanuel Hecht. À savoir, un « instable chronique, vagabond en suspens, étranger à sa propre vie, fantasque, prêt à céder à ses pulsions, préférant les idées à leur accompliss­ement... Et ne trouvant un bref apaisement que dans la fusion avec la nature, au contact des forêts, des lacs... ».

Quant à la « faim » éprouvée par le narrateur, elle semble par bien des aspects consentie. Comme si elle était sa muse. Une douloureus­e, mais nécessaire compagne d’écriture... Un récit qui chamboule et atteste définitive­ment qu’Hamsun fut aussi aveugle en politique qu’il était affûté dans l’examen des âmes.

En , la rencontre de l’auteur avec Hitler tourna au fiasco !

Le bonus

Le nouveau départ du personnage en fin de récit, comme celui pris jadis par Hamsun vers les États-Unis. Avant le succès, puis la reconnaiss­ance mondiale.

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(Photos DR) L’auteur Knut Hamsun pour la première fois adapté en BD.
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