Un ralentisseur illégal au centre d’un accident mortel
Après cinq ans d’enquête sur un accident mortel qui s’était produit devant la gare de Bandol, c’est désormais la responsabilité d’un dos-d'âne non conforme qui est au coeur du dossier
Il avait 92 ans. Le 20 novembre 2015, aux alentours de 18 h 30, un Bandolais se déplaçant difficilement a été mortellement percuté devant la gare SNCF de Bandol. Un drame qui pourrait avoir comme élément central du dossier un ralentisseur non conforme. Ce soir-là, la conductrice du véhicule incriminé, une infirmière, finissait sa tournée chez ses patients quand elle s’est engagée rue JeanLoste, en direction du centre-ville. Alors que la trentenaire franchit le premier dos d’âne à très faible vitesse, elle est éblouie par les phares des voitures arrivant en sens inverse. La conductrice a à peine le temps de distinguer une ombre et de piler que le nonagénaire est sur son capot.
Homicide involontaire
Victime de fractures multiples aux tibias et au coude droit, le Bandolais sera opéré et succombera six jours plus tard à l’hôpital. Un décès dramatique qui entraîne l’ouverture d’une information pour « homicide involontaire », gérée par les policiers du commissariat de Sanary.
Après cinq ans d’enquête, ralentie notamment par l’absence d’une expertise demandée à plusieurs reprises par les forces de l’ordre au médecin légiste, l’enquête vient d’être clôturée et le dossier transmis au parquet de Toulon pour appréciation. Aujourd’hui, c’est vers le fameux ralentisseur que les yeux se tournent.
La conformité en question
« Une étude sur les ralentisseurs avait été réalisée sur Bandol il y a quelques années et le résultat était sans appel : la quasi-totalité n’était pas conforme aux normes en vigueur », glisse un membre des forces de l’ordre. Et c’est bien cette non-conformité et la dangerosité qu’elle entraîne qui sont pointées du doigt, notamment par les associations « anti-ralentisseurs ». Thierry Modolo, président de l’association Pour une mobilité sereine et durable (PUMSD), s’est penché sur le dossier des deux aménagements mis en cause et assure qu’aucun des deux ne devrait exister. « Il y a d’ores et déjà deux faits imparables qui font que ces deux ralentisseurs ne devraient pas être là, indique Thierry Modolo. La première raison, c’est le flux de circulation. On est sur un axe où le trafic est supérieur à 3 000 véhicules par jour. En plus de ça, les deux ralentisseurs sont sur un axe fréquenté par les transports en commun (le ralentisseur où a eu lieu l’accident est situé à hauteur d’un arrêt de bus, Ndlr) et il est strictement interdit d’en installer sur ce type de route sans l’accord de la compagnie de bus. »
Trop haut, trop long
Deux points très importants soulevés par l’association PUMSD, qui s’ajoutent à la hauteur, là aussi non conforme – plus de dix centimètres – et à la longueur maximum – autour de dixsept mètres au lieu des quinze maximum autorisés. Ainsi qu’une implantation à la sortie d’une rue, créant de ce fait une intersection comptée comme un virage.
Responsabilité pénale du maire ?
« Aujourd’hui, on a des centaines de ralentisseurs sur les routes varoises, continue l’expert. On en a compté 800 sur le secteur de la métropole toulonnaise, soit 150 ajoutés entre 2017 et aujourd’hui. On rend les routes dangereuses avec un faux sentiment de sécurité, et c’est comme ça qu’on a de graves accidents et des morts. Aujourd’hui, dans le cas de Bandol, l’infrastructure étant illégale, il faut savoir que la responsabilité pénale du maire peut être engagée. On est dans une situation extrêmement complexe. Si le ralentisseur n’avait pas existé, la victime ne serait peut-être pas décédée. La conductrice, elle, risque de perdre son permis, d’être civilement responsable du décès et de perdre son travail. Potentiellement, deux vies brisées .» L’association PUMSD a d’ailleurs engagé plusieurs actions en justice (voir cidessous), notamment contre l’ensemble des maires du Var (sauf Ferdinand Bernhard, maire de Sanary, commune sans aucun dosd'âne). En moins de deux mois, un juge d’instruction a été nommé dans le cadre de ce dossier, « du jamais vu en termes de rapidité », termine le président de l’association.