De l’influence du virus sur la taille des écrans
Directrice du pôle « consommation et entreprise » au Crédoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie), Pascale Hébel détaille ici l’incidence de la Covid et des divers « empêchements » afférents sur nos modes de consommation. Ses constatations sont étonnantes.
Reste à savoir ce qu’il restera de ces nouvelles habitudes lorsque le virus aura été surmonté.
Quelles sont les nouvelles habitudes des Français ?
On peut parler d’une véritable réorientation des modes de vie. On se concentre sur ce qu’on appelait le « cocooning » dans les années . Ce qui est très lié aux contraintes actuelles avec, par exemple, l’impossibilité pour beaucoup de faire des
« grosses » courses. On constate, dans les dépenses de , des inversions sur des produits. Par exemple, conserves de légumes et surgelés ont fait + %. Alors que les conserves baissaient depuis une vingtaine d’années.
Les modes d’achat ont changé ? Pour résumer, en pourcentage de chiffre d’affaires, plus c’est grand, plus ça baisse. Les centres commerciaux immenses et les hypermarchés diminuent, tandis que l’e-commerce a fait en un an la croissance qu’il aurait dû connaître en trois ans. Il est difficile de faire la part entre les conditions actuelles et ce qu’il va en rester. Ce qui est sûr, c’est que le commerce en ligne a gagné des consommateurs qui n’y allaient jamais. Et il y a aussi cet engouement pour le commerce de proximité, qui se confirme.
La proximité rassure ? Absolument. On fait ses courses à côté de chez soi, pas seulement parce que l’on ne peut pas aller trop loin, mais aussi parce que l’on veut défendre les agriculteurs en privilégiant le circuit court. Dans un contexte d’anxiété, c’est un phénomène constant. Le marché forain qui était en perte de vitesse avait considérablement progressé lors de la crise de . Lors d’une crise, on se recroqueville sur le lien social, qui rassure.
Quelle incidence à terme ?
Les petits commerçants ont pris le virage du « click & collect ». Il y aura des fermetures dans les très grandes villes, on ne sait pas quand ni où les affaires vont reprendre.
Certaines évolutions étaient amorcées…
Le poids des hypers notamment. Ils avaient perdu points de part de marché depuis . Sont apparus entre-temps des magasins spécialisés répondant à de nouveaux concepts. Ce qui cartonne aussi, c’est le hard discount et les indépendants de proximité.
Les restos fermés, les gens qui ont envie de se faire plaisir, se tournent-ils vers des produits de luxe ?
C’est ce qu’il s’est passé à Noël. On n’imaginait pas une telle croissance en décembre. Les produits gourmands aussi ont la cote, comme en . Crèmes dessert, fromage, raclette, tout ce qui est réconfortant, ainsi que les produits à stocker parce qu’on fait la cuisine tous les jours. L’écologie, la baisse de la consommation de viande et le souhait de manger plus de légumes ont aussi leur part. Tandis que les biscuits et le chocolat marchent très bien.
L’équipement de la maison en profite ?
Ce qui a le plus explosé, ce sont les téléviseurs. Qui ont fait plus en croissance que les années de Mondial. Les gens ont acheté de très grands écrans. Ce qui entre aussi dans l’amélioration de la déco. Le canapé étant changé en même temps que la télé. On a vraiment vu un rebond en juin, lors du premier confinement.
Comment trouver l’équilibre entre boutique et e-commerce ? Cette évolution était en cours, simplement le mouvement s’accélère. D’abord, on renvoie quand ça ne va pas, donc si l’on n’est pas content, le service est souvent performant. Ce que le commerce physique a du mal à suivre, en termes de relations clients. Ce modèle bouscule, avec une satisfaction du client sur la façon d’être traité.
Cette facilité ne pèse pas sur l’endettement ?
Comme l’épargne progresse, la production du crédit à la consommation a baissé de %. Mais l’entrée dans le crédit et la somme prêtée sont complètement liées au marché automobile, qui a plongé en . De même que le financement des vacances a baissé. L’endettement viendra plus tard. Aujourd’hui, les « empêchements » font que l’on a, globalement, moins besoin de consommer.