Fil-Eas, suivi à domicile de l’insuffisant cardiaque
L’équipe du Dr Tartière à l’hôpital Sainte-Musse à Toulon a organisé un parcours de soins ville/hôpital pour l’instant unique en France. Il réduit nettement la durée des hospitalisations
Chaque année en France, 70 000 personnes décèdent d’une insuffisance cardiaque, une pathologie qui se traduit par une incapacité du coeur à distribuer correctement le sang à tous les organes. Elle est également responsable de 160 000 hospitalisations par an ; sachant que dans 40 % des cas, les patients sont réhospitalisés dans l’année qui suit.
Dans l’objectif de réduire ce risque de réadmission à l’hôpital (et aussi la durée de séjour), le service de cardiologie de l’hôpital Sainte-Musse à Toulon a organisé un parcours de soins ville/hôpital encore unique en France. C’est le Dr Jean-Michel Tartière, cardiologue au CHITS qui pilote cette initiative(1) avec le Dr Caroline Birgy. Il dresse l’état des lieux : « L’insuffisance cardiaque est, jusqu’à présent, une maladie très hospitalocentrée. Or, cela a plus de sens de prendre en charge le malade dans son cadre de vie habituel sachant qu’il peut très bien être équilibré à son domicile ».
Équilibration à domicile
Parmi les principales caractéristiques de l’insuffisance cardiaque, figurent la rétention d’eau et de sel et la difficulté à réguler ces apports hydriques et sodés. «Le traitement doit être adapté à la consommation d’eau et de sel. Cela s’apprend, mais ce n’est pas si simple. Éduquer le patient chez lui permet de prendre en compte ses habitudes » explique le cardiologue. Depuis 2018, et la mise en place de cette filière (Fil-Eas), les patients séjournent moins longtemps à l’hôpital (trois jours et demi en moyenne au lieu de dix) et bénéficient d’un suivi à domicile avec des infirmières libérales et une remontée d’informations, via le service d’hospitalisation à domicile (HAD) qui maintien un lien direct quotidien avec le service cardiologie de l’hôpital.
« Concrètement, rappelle le Dr Tartière, la prise en charge d’un patient en insuffisance cardiaque se fait en trois phases. La sécurisation, c’est ce que sait faire l’hôpital. Suivent l’équilibration puis la consolidation. »
La première phase dure en moyenne trois jours et demi. Le patient entre classiquement par les Urgences et cela génère une alerte automatique à l’équipe FilEas. Dans les 48 heures, quel que soit le service dans lequel le patient est pris en charge(2), il voit un cardiologue et l’une des deux infirmières coordonnatrices qui réalise une évaluation sociale et gériatrique pour vérifier les conditions d’HAD.
Ils vont décider ensemble, en lien avec le patient (ou l’aidant le cas éventuellement), si la phase d’équilibration pourra se faire à domicile. Ce n’est pas toujours possible, notamment pour les patients les plus âgés. Quand le retour à domicile est validé, les services de l’HAD Toulon-La Garde gèrent l’hospitalisation à domicile, qui dure en moyenne dix jours.
« Le suivi est le même qu’à l’hôpital : l’infirmière passe trois fois par jour pour les traitements, les soins, elle réalise les électrocardiogrammes, les prises de sang. L’évaluation est protocolisée. Les informations sont gérées et transmises à l’hôpital par l’HAD via un dossier patient informatique. Les cardiologues font chaque jour la visite à partir des dossiers pour adapter les thérapeutiques en fonction des données et des conditions à domicile » détaille le Dr Tartière. Une infirmière de l’équipe Fil-Eas est d’astreinte 24 heures sur 24 et un médecin reste disponible 7 jours sur 7.
Consultation de clôture
Au terme de cette phase d’équilibration à domicile, une consultation de clôture à lieu, soit en présentiel, soit en télé-consultation, parfois au cours d’une hospitalisation de jour, notamment quand des examens complémentaires doivent être réalisés (ils sont alors programmés), ou plus exceptionnellement lors d’une hospitalisation programmée.
« Cette consultation donne lieu à un compte rendu remis au patient et transmis à son médecin traitant, avec des recommandations en termes de traitement, d’alimentation et d’objectifs à atteindre. Le parcours de soins est défini, y compris pour les autres spécialités concernées, le plus souvent la gériatrie, la néphrologie, parfois la pneumologie » résume le cardiologue.
Consolidation : suivi à distance
Le travail de ± ne s’arrête pas là. « On donne au patient des outils pour la troisième phase de consolidation.
Principalement on propose la télésurveillance, une spécificité des maladies chroniques, indique le Dr Tartière. On prête du matériel connecté au patient, qui est géré par lui, par un aidant familial ou professionnel. Ces outils nous permettent de détecter tout signe d’aggravation, les informations étant transmises en direct à un dossier patient et analysées par un algorithme qui détecte les signes d’aggravation et déclenche l’alerte. La plupart du temps, un coup de fil permet d’adapter le traitement, diurétique le plus souvent. C’est une sécurisation pour le patient. »
Fil-Eas a débuté « timidement » en 2018. Depuis, 310 patients ont bénéficié de ce suivi, la file active se situant actuellement autour de 50 patients par trimestre pour la phase « équilibration », et de 120 patients pour le suivi par télésurveillance en phase de consolidation.
1.- Cette filière d’évaluation et d’accompagnement du parcours de soins de l’insuffisant cardiaque (FilEas) implique aussi le service de soins à domicile (SSIAD) et le service d’hospitalisation à domicile (HAD) Toulon La Garde de l’association Santé et Solidarité du Var (SSD).
2.- 55 % des patients sont hospitalisés dans un autre service que la cardiologie, soit par manque de place, soit parce qu’ils souffrent de comorbidités, soit en raison de leur âge.