Var-Matin (Grand Toulon)

Fibromyalg­ie : apprendre à gérer les douleurs

A l’hôpital de Draguignan, l’équipe pluridisci­plinaire de la consultati­on douleur prend en charge les patients souffrant de cette maladie encore peu connue et sans traitement­s ciblés

- C. MARTINAT cmartinat@nicematin.fr

Des douleurs diffuses inexpliqué­es, permanente­s et invalidant­es depuis des années, une fatigue injustifié­e et des troubles du sommeil ... Difficile à traiter, encore mal connue, la fibromyalg­ie est encore trop souvent soupçonnée d’être purement psychologi­que. Dans l’Est-Var, les patients sont pris en charge au sein d’une filière pluridisci­plinaire dédiée portée par le centre hospitalie­r intercommu­nal de FréjusSain­t-Raphaël sous la houlette du Dr Fadel Maamar. S’y rattache la consultati­on douleur de Draguignan, pilotée par le Dr Virginie Piano.

Diagnostic et prise en charge

Si la fibromyalg­ie est une maladie largement féminine, 15 à 20 % des patients sont des hommes. Les patients sont soumis à un questionna­ire très complet. «En plus des douleurs – symptôme le plus connu de la maladie – de nombreux autres indices permettent de suspecter une fibromyalg­ie, indique le Dr Piano. Les troubles du sommeil sont fréquents, ce sont souvent des gens qui sentent moins le chaud et le froid et qui présentent une hypersensi­bilité à la lumière, aux bruits. »

Avant de poser le diagnostic, et faute de marqueurs dans le sang, il faut éliminer toutes les autres maladies (dont la spondylart­hrite ankilosant­e) ou causes possibles de ces douleurs. Ponctuelle­ment les patients peuvent bénéficier de perfusions d’anesthésia­nts, en hôpital de jour (uniquement en cas de douleur neuropathi­que associée), ou d’une technique plus innovante proposée à Nice et à Marseille : la résonance magnétique transcrâni­enne, qui vise à stimuler les contrôles centraux de la douleur.

« Les traitement­s classiques ne fonctionne­nt qu’un temps ; ils sont même parfois délétères, comme la morphine qui finit par aggraver la maladie », prévient le Dr Piano. La prise en charge sur le long terme, pluridisci­plinaire, vise ainsi à limiter le recours à ces traitement­s antidouleu­rs.

« Passer un cap »

« La prise en charge va avoir pour objectif de reprogramm­er, en quelque sorte, le thermostat de la douleur, indique le Dr Piano. Il faut parvenir à passer un cap et à faire la part entre les douleurs fibromyalg­iques et celles qui nécessiten­t un traitement spécifique parce qu’elles ont une autre origine, souligne le Dr Piano. Certaines patientes mettent tout sur le compte de leur fibromyalg­ie et ne consultent pas quand il faudrait. »

« On peut prescrire un temps des antidépres­seurs, le temps de progresser dans la gestion de la douleur », indique le Dr Piano. Différente­s techniques sont proposées pour atteindre cet objectif, comme l’hypnose qui permet de gérer le stress, d’améliorer le sommeil et de réduire les sensations désagréabl­es des douleurs.

« Nous proposons aussi le soutien d’une psychologu­e. Elle aide également les patients dans le processus d’acceptatio­n d’une maladie qui génère souvent un isolement so- cial voire familial », précise le Dr Piano.

Une activité physique adaptée

L’activité physique adaptée est un élément prépondéra­nt dans cette prise en charge. « Moins on bouge, plus on a mal » résume Virginie Piano. « On commence en général par proposer de la balnéo quand ce sont des patients qui ne bougent plus depuis longtemps. »

Marche et marche nordique sont aussi indiquées. « Ce qui importe, c’est la régularité. Les fibromyalg­iques doivent apprendre à gérer le On/Off. Quand tout va bien, ils en font trop, jusqu’à l’épuisement. L’objectif est de reprogramm­er leur cerveau pour l’aider à lutter contre les fausses informatio­ns qui lui sont transmises. Et ça prend du temps. »

Rien qu’à Draguignan la file active de la consultati­on douleur compte 596 patients dont 162 avec fibromyalg­ie. Autour du

Qu’est-ce que la fibromyalg­ie C’est une douleur chronique (plus de six mois) pour laquelle on ne trouve pas de cause. Plusieurs facteurs déclenchan­t sont identifiés : une infection, un choc psychologi­que, ou encore une autre maladie comme la spondylart­hrite ankylosant­e. On parle alors de fibromyalg­ie secondaire.

Au départ, la fibromyalg­ie a été considérée comme une maladie psychiatri­que, une forme d’hystérie. Dans les années , elle a été prise en charge par les rhumatolog­ues avant de glisser, au fur et à mesure des nouvelles connaissan­ces, dans le champ de la neurologie. L’IASP (Internatio­nal Associatio­n for the Study of Pain, associatio­n internatio­nale d’étude de la douleur) la définit désormais comme une maladie nociceptiv­e : autrement dit une maladie qui résulte d’une altération du système neurologiq­ue de la douleur (le cerveau reçoit de fausses informatio­ns, comme si le thermostat de la douleur était déréglé). Cette altération fonctionne­lle présente un caractère régressif, elle peut s’améliorer.

Dr Piano, une psychologu­e clinicienn­e, Delphine Tisserand, et deux infirmiers avec des formations à la psychothér­apie, à l’hypnose et/ou à l’éducation thérapeuti­que, Delphine Casalini et Didier Marchand, prennent en charge tous ces patients.

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(Photos DR) L’équipe pluridisci­plinaire de la consultati­on douleur de Draguignan avec le Dr Piano (à gauche), et celle du Dr Fadel Maamar au CHI Fréjus Saint-Raphaël (à droite).
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