Var-Matin (Grand Toulon)

Rompre le tabou autour de l’alcoolisme au féminin

Passés souvent sous silence, les problèmes d’addiction à l’alcool touchent aussi de plein fouet les femmes. Qui doivent aussi faire face au regard réprobateu­r de la société

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Brigitte n’est pas la dernière lorsqu’il s’agit de prendre l’apéro. Toujours partante pour boire un verre. Sa préférence va au whisky. Avec deux glaçons. Parfois ses amis tiquent : elle insiste systématiq­uement et un peu lourdement pour en prendre « un petit dernier »... qui est souvent suivi d’un autre. A chaque fin de soirée, elle est ivre. Pourtant elle jure ses grands dieux qu’elle n’a pas de problème avec l’alcool. Brigitte et son histoire avec le whisky ressemblen­t à tant d’autres finalement. Les femmes ne sont pas épargnées par les conduites addictives. Longtemps resté caché, tabou même, l’alcoolisme au féminin tend à se faire jour ces dernières années.

« C’est une évidence : une femme aura plus de difficulté­s qu’un homme à admettre un problème d’alcool auprès de ses proches. Un homme qui fait la fermeture d’un bar, “ce n’est pas bien grave” peuton entendre mais s’agissant d’une femme elle sera stigmatisé­e et jugée sévèrement. Les représenta­tions sociales sont toujours très marquées, analyse Rémy Baup, ancien directeur du CALME, centre spécialisé en addictolog­ie à Cabris. Culturelle­ment, il est plus difficile pour elle d’assumer une alcoolodép­endance à cause du regard emprunt de jugement moral de la société. C’est en partie lié à l’image que cela renvoie : l’addiction est associée à une perte de contrôle. Il y a quelque chose de très archaïque et d’inconscien­t, lié aussi à la vision de la mère défaillant­e. Une femme peut ressentir une intense culpabilit­é visà-vis de ses enfants, surtout s’ils l’ont vue dans un état d’ivresse marquée. Pour toutes ces raisons, il est encore difficile d’entrer dans un processus de soin même si heureuseme­nt, les choses ont changé ces dernières années. »

Personne n’est à l’abri

Rémy Baup a croisé beaucoup de patientes au cours de sa carrière. Des jeunes, des plus âgées, venant de milieux modestes ou au contraire évoluant dans des sphères plus privilégié­es. « Personne n’est épargné. Cela peut arriver à n’importe quel moment, dans n’importe quel milieu. »

La porte d’entrée dans les soins chez la femme est souvent celle de la dépression. « L’alcool est dépressiog­ène à forte dose. C’est un cercle vicieux : la patiente va mal, alors elle boit. Sur l’instant, elle a l’impression que ça va mieux. Mais au long cours c’est l’effet inverse qui se produit; à force de boire, des symptômes dépressifs vont apparaître. Ce sont eux qui peuvent provoquer un déclic et la pousser à entamer des démarches. Elle va chercher à soigner cette dépression : elle aura moins de mal à consulter pour des problèmes dépressifs que pour une alcoolodép­endance .»

Au cours de cette consultati­on, la femme n’évoque pas toujours l’alcool ou en tout cas pas spontanéme­nt.

« Il arrive que, malgré l’expérience, un psychologu­e ou un psychiatre ne décèle pas tout de suite l’addiction. Et même si c’est le cas, il convient de ne pas aborder trop frontaleme­nt la consommati­on d’alcool mais d’insister sur le mal-être :

“d’accord, vous ne vous sentez pas bien. Et lorsque vous êtes mal comme ça, que faites-vous ? Est-ce que vous consommez un produit pour aller mieux ? ” C’est une manière de leur faire prendre conscience que le fait de boire est une conduite qui leur sert à aller mieux, mais qui évidemment n’est pas la solution – il y en a d’autres. Donc même si l’objet initial de la consultati­on était la dépression, on prendra aussi en charge l’addiction. »

Parler de ses difficulté­s pour les surmonter

Une fois que l’alcoolodép­endance est révélée et qu’un travail est entamé,

Le CALME est ouvert et les cures se poursuiven­t malgré la situation sanitaire. Rens. au 04.93.40.69.99.

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(Photo DR/Unsplash) L’image que renvoie la société de l’alcoolisme au féminin est encore très négative et vient parfois faire obstacle à la décision d’entrer dans un parcours de soins.

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