Var-Matin (Grand Toulon)

Sur les traces des chercheurs de cuivre du Daluis

Aujourd’hui, hormis quelques géologues locaux, plus personne ne se souvient de l’existence des mines du vertige, dans les Alpes-Maritimes, qui recèlent la plus grande diversité minérale du monde.

- NELLY NUSSBAUM magazine@nicematin.fr

En remontant le lit du Var dans le Mercantour à travers les méandres des gorges de Daluis, on ne peut manquer de remarquer ces paysages stratifiés où les roches sont couleur lie-de-vin. « L’origine de ces roches, appelées pélites, appartient à une tranche d’âge nommée le Permien, soit la plus grande période biologique de l’Histoire. Elles remontent à 280 millions d’années avant notre ère », explique le minéralogi­ste Gilbert Mari, ancien président de l’Associatio­n des naturalist­es de Nice et des Alpes-Maritimes.

C’est donc ici qu’à la période Chalcolith­ique (qui s’étend environ de -2 500 à -1 800 ans), quelques curieux ou précurseur­s ont cherché à faire évoluer leurs systèmes de chasse ou de défense. Cette période où des hommes se sont servis de bois de cerfs pour creuser plus avant dans une roche assez friable qui recélait un drôle de matériau. Une matière dure qui, extraite de la terre, pouvait leur permettre de fabriquer armes et outils plus solides que le bois.

Ainsi débutait l’Âge du cuivre.

Sur les pas des anciens mineurs

« Bien qu’elles dévoilent une aventure humaine étirée sur quelques millénaire­s, l’existence de ces mines n’a été répertorié­e dans les archives qu’au XVIIIe siècle », précise Gilbert Mari. Au vu de l’escarpemen­t, de la difficulté d’extraction et des dangers encourus, le jeu en valait-il la chandelle ? En effet, les scientifiq­ues évaluent à seulement quinze tonnes l’extraction du métal depuis l’Âge du cuivre jusqu’à la dernière fouille en 1884, soit sur une période de 4 500 ans.

Et le minéralogi­ste de reprendre: « Les galeries ont été creusées par les techniques du feu, meilleur moyen à l’époque pour fragiliser la roche. » Soit, en allumant des fagots de bois contre les parois jusqu’à chauffer la roche puis en projetant de l’eau froide pour créer un choc thermique afin de faire éclater la roche.

Véritable labyrinthe

Les territoire­s de Daluis et Guillaumes se partagent les galeries. Réparties en deux groupes distants d’environ quatre cents mètres l’un de l’autre et séparées par un éperon rocheux, elles forment un véritable labyrinthe. « On a dénombré quarante-deux galeries ou amorces de galeries qui se développen­t sur trois cents mètres, continue Gilbert Mari. Certaines ne mesurent pas plus d’un ou deux mètres et la plus longue ne dépasse pas trente-trois mètres. »

On en compte vingt-huit sous le village de Daluis et quatorze sous Guillaumes. « Bien que l’on ait découvert des marches qui ont sans doute été creusées plus tardivemen­t, les anciens mineurs accédaient à ces mines du vertige grâce à un système de cordages. » Quoi qu’il en soit, tout au long de l’exploitati­on des mines, les chercheurs de cuivre ont laissé des traces abandonnan­t çà et là : graffitis, pièces de monnaie romaines, médiévales, napoléonie­nnes, sans oublier quelques francs et marks… des vestiges attestant d’une fréquentat­ion continue du site.

Y avait-il une mine d’or ?

Si l’extraction du cuivre est avérée depuis des milliers d’années, une légende raconte qu’entre le XVIIe et le XIXe siècles, au cuivre se seraient accessoire­ment ajoutés quelques filons d’argent et d’or et qui donnera naissance au « Trésor d’Amen ». L’origine de l’existence d’une mine d’or à Amen – petit hameau non loin de Guillaumes aujourd’hui abandonné – vient sans doute d’un acte signé par Louis XIV, à la fin du XVIle siècle, qui accorde au Marquis de Villeneuve Beauregard, une concession englobant les indices cuprifères (qui renferment du cuivre) à Daluis. Le trésor serait tout simplement ces grottes qui s’élèvent à deux cent cinquante mètres au-dessus du lit du Var sur le bord d’une falaise abrupte. Aujourd’hui, les mines ne se visitent pas. Mais, lorsqu’en levant les yeux, on comprend que les roches qui les abritent racontent une histoire géologique à l’échelle de 280 millions d’années, les paysages prennent une épaisseur temporelle inattendue.

‘‘ On a dénombré quarante-deux galeries ou amorces de galeries”

Remercieme­nts à Gilbert Mari, ancien président de l’Associatio­n des Naturalist­es de Nice et des Alpes-Maritimes.

Les mines de la réserve naturelle de Daluis recèlent un gisement extraordin­aire de minéraux. Parmi ceux connus, neuf totalement nouveaux pour la science ont été répertorié­s. Notamment la barrotite, inédit et unique au monde. Très complexe aux formes de cristaux hexagonaux, de couleur bleu profond, il a été mis à jour grâce à des échantillo­ns récoltés par Gilbert Mari. Et, comme la découverte d’un nouveau minéral est un évènement relativeme­nt rare, elle a été avalisée et largement saluée par la communauté scientifiq­ue et géologique internatio­nale en . Son nom rappelle le célèbre dôme du Barrot, le sommet du massif rouge où coulent les gorges de Daluis et du Cians et qui recèlent toutes ces merveilles. Ce qui fait qu’aujourd’hui, le Trésor d’Amen est surtout scientifiq­ue.

 ?? (Photos G. Mari et DR) ?? . Au Nord-Ouest du départemen­t des AlpesMarit­imes, c’est dans les gorges profondes et abruptes façonnées au fil du temps par le Var et son affluent le Cians, dans les massifs de pélites rouges que les premiers hommes ont creusé des mines de cuivre. Ici, les entrées de galeries dans les gorges de Daluis vues depuis le point sublime. . Exemple de galerie creusée au feu à l’Âge du cuivre ou du bronze ancien.
. Graffiti énigmatiqu­e réalisé par piquetage sur une paroi de galerie et datant du XVIIe ou du XVIIIe siècle.
. Pour creuser la roche, les premiers chercheurs de cuivre utilisaien­t des bois de cerfs ou la technique du feu. Une technique dangereuse qui faisait éclater la roche en esquilles.
(Photos G. Mari et DR) . Au Nord-Ouest du départemen­t des AlpesMarit­imes, c’est dans les gorges profondes et abruptes façonnées au fil du temps par le Var et son affluent le Cians, dans les massifs de pélites rouges que les premiers hommes ont creusé des mines de cuivre. Ici, les entrées de galeries dans les gorges de Daluis vues depuis le point sublime. . Exemple de galerie creusée au feu à l’Âge du cuivre ou du bronze ancien. . Graffiti énigmatiqu­e réalisé par piquetage sur une paroi de galerie et datant du XVIIe ou du XVIIIe siècle. . Pour creuser la roche, les premiers chercheurs de cuivre utilisaien­t des bois de cerfs ou la technique du feu. Une technique dangereuse qui faisait éclater la roche en esquilles.
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