« Difficile de savoir… »
Atypique, dans son parcours, mais aussi passionné que passionnant, Bernard Stamm, un marin qui a voué sa vie aux défis océaniques, se garde de tout pronostic sur l’issue de ce Vendée
Comme le disait le philosophe Henri-Frédéric Amiel, « chaque vie se fait son destin ». Apprenti bûcheron, après avoir quitté l’école à 15 ans, puis engagé dans la marine marchande, sitôt la majorité obtenue, c’est un peu plus tard, aux Antilles, où il rencontre des concurrents de la Mini-Transat, qu’il se laisse happer par l’esprit de la course au large. Séduire par l’appel furieux des défis océaniques…
Et depuis, le Suisse en a parcouru des milles ! Vécu aussi quelques fortunes de mer, restées solidement ancrées dans les mémoires. Malgré deux participations malheureuses au Vendée Globe (en 2000, ses pilotes automatiques rendent l’âme et le contraignent à l’abandon, et en 2012, sur Cheminée Poujoulat, il est disqualifié après avoir reçu une assistance involontaire aux larges de la Nouvelle-Zélande), Bernard Stamm s’est taillé une solide réputation dans le milieu. En s’illustrant notamment sur le Trophée Jules-Verne. D’abord avec Bruno Peyron (sur le maxi Orange 2), puis une seconde fois avec Francis Joyon (sur Idec, avec ce record absolu d’un tour du monde à la voile qui tient toujours, depuis 2017).
Il a également remporté la dernière Barcelona world race, en double, avec l’inénarrable Jean Le Cam. Autant dire que l’avis de celui qui accompagne l’aventurier Mike Horn jusqu’au bout de l’Arctique, et à seulement quelques bords de l’arrivée des premiers sur cette 9e édition, résonne de façon toute particulière.
Les premières arrivées sont programmées ce mercredi, aux Sablesd’Olonne. Et pourtant, bien malin celui qui peut déjà donner le nom du vainqueur…
Carrément ! Ça se dessine petit à petit, mais effectivement, difficile de savoir qui va franchir la ligne en premier.
L’option ouest de Louis Burton était audacieuse. Qu’en pensez-vous, même si Charlie Dalin semble, depuis hier matin, avoir repris un peu ses distances ?
Pour Louis, soit il a empanné, soit il connaît un problème. En tout cas, sa route actuelle ne me semble pas normale. Après, il a fait des choix et probablement qu’il pensait que d’autres le suivraient. Mais il a clairement assumé. Maintenant, en tête de la flotte, ils ont tous des soucis mécaniques, et ça impacte forcément les stratégies.
Vous avez navigué avec Jean Le Cam et le connaissez bien. Êtes-vous étonné de le voir à pareille fête sur sa « L » ? Je ne suis pas surpris. Son bateau a été très bien préparé et il le connaît par coeur. Et puis, Jean a cette faculté à le faire avancer vite, sans lui tirer dessus, sans l’agresser. Ce que confirme sa trajectoire tendue. En plus, c’est un marin qui a des nerfs, qui aime le contact et qui sait se montrer patient. Tout ça, plus le petit coup de pouce de la météo, fait qu’il se retrouve aujourd’hui en super position.
Damien Seguin, premier marin handisport, également avec un bateau sans foil, fait une course tout aussi remarquable… Damien est très talentueux. Lui aussi a bien préparé son bateau et porte un projet cohérent. Il a su faire les bons choix, dans les moments clé. Alors que les foilers étaient obligés de donner de l’angle pour utiliser tout leur potentiel, il a su tenir tête à tout le monde. Et s’acharne, sans cesse, à rester dans le jeu. En partant à l’est de toute la flotte, il s’est offert quelques possibilités stratégiques. Ça paiera ou pas, mais le risque est minime. Donc, tout ça est intelligent.
Mais la surprise, n’est-ce pas finalement Boris Herrmann, que peu, avant le départ, voyait aussi proche de la victoire ? Boris est quelqu’un de discret. Qui ne se fait jamais remarquer. Alors quand on le voit devant, on peut se demander ce qu’il fait là. Mais il n’a pas volé sa course. Il n’a rien de la tête brûlée et fait son chemin avec intelligence. Il a une super carte à jouer dans ce final, même s’il a déchiré sa grand-voile.