« Stress, fatigue et perte d’audition »
La scène se déroule au Centre Hospitalier Simone Veil de Cannes (CHCSV). Le docteur Stéphane Ayache, spécialiste ORL, reçoit une patiente à bout. Cette infirmière de profession habite un endroit d’ordinaire très calme, si ce n’est les motos qui passent sous ses fenêtres… tous les week-ends. « Ses acouphènes ont été majorés et cela lui a créé une situation de stress cérébral énorme », raconte le docteur Ayache.
Un constat sans appel
Le bruit en ville fragilise notre audition. Un constat confirmé, en 2017, par une étude réalisée par l’entreprise allemande Mimi Hearing Technologies auprès de 200 000 personnes. Le constat était sans appel : l’ouïe des habitants des villes bruyantes était en moyenne dix ans plus vieille que dans les villes plus calmes.
« Le bruit, explique le docteur Ayache, a des conséquences sur notre oreille interne qui est reliée au cerveau par le nerf auditif. Bien sûr, nous ne sommes pas tous exposés de la même manière ni sensibles à la même échelle. Certaines personnes ont aussi des prédispositions, par exemple, à la surdité ! » Le bruit, un problème de santé ? Oui, et qui dépasse de loin les lésions aux oreilles. « L’oreille est un organe qui ne se repose pas, poursuit le docteur Ayache. Si vous fermez les yeux, la vue est au repos, et bien l’oreille, elle, est toujours en alerte. »
morts par an en Europe
Les chiffres parlent d’euxmêmes. Dans sa dernière étude « Noise in Europe » publiée en ligne, l’Agence européenne pour l’environnement établit : «Le bruit cause 12 000 morts prématurées et est à l’origine de 48 000 cardiopathies par an. »
« Le bruit, raconte aussi l’Agence européenne, est l’une des premières causes de maladie en Europe. » Pour que le bruit ait des effets néfastes sur l’audition, il faut dépasser un certain seuil. Selon l’association JNA (Journée nationale de l’audition), «ilfautqueles doses de bruit dépassent un niveau équivalent de 80 dB sur 8 heures. » Mais pas seulement. « Un court bruit qui dépasse les 120 dB peut être tout aussi nocif », ajoute le docteur Ayache.
« Le bruit agit sur le cerveau »
Dans un document publié sur son site, l’association JNA explique les conséquences des nuisances sonores : diminution de la capacité d’écoute et une surdité précoce, entre autres, pour les effets auditifs. Malaise, état dépressif et augmentation du niveau de stress pour les effets non auditifs.
Dans une enquête publiée par IFOP-JNA en 2020, 63 % des Français interviewés déclarent avoir des difficultés à suivre une conversation à cause des bruits ambiants, 58 % dans l’espace public ou la rue. Selon ce même sondage, « un Français sur deux, quel que soit l’âge, indique rencontrer des difficultés de compréhension de la parole dans le bruit dans toutes leurs situations de vie. » « Le bruit n’agit pas seulement sur les oreilles, note le docteur Ayache. Il agit également sur le cerveau. »
Troubles du sommeil
Psychiatre azuréen, le docteur Renaud David explique : « On note chez les personnes soumises au bruit, une augmentation du recours aux psychotropes et notamment aux anxiolytiques, en été en particulier car les fenêtres restant ouvertes, le bruit est alors encore plus marqué. »
Le bruit peut provoquer non seulement des troubles du sommeil mais également des troubles cardiovasculaires. Dans un rapport publié par le Conseil national du bruit (CNB), l’organisme détaille : « Le bruit entraîne une réponse non spécifique au niveau du système cardiovasculaire en accélérant le rythme cardiaque et en provoquant une diminution du diamètre des vaisseaux sanguins. »
Répercussions économiques
Signe que le problème inquiète, l’OMS, en 2011, a proposé une méthodologie pour estimer la morbidité liée au bruit de l’environnement. Selon cette méthodologie, plus d’un million d’années de vie en bonne santé seraient perdues chaque année en Europe sous l’effet du bruit causé par les seules infrastructures de transport.
Dans le milieu du travail, ces troubles entraînent également une perte de productivité et peuvent aller jusqu’à créer « des incompréhensions, rappelle le Conseil national du bruit. Voire même des pertes d’information. »
Diminution des performances, hausse des arrêts maladies… tout cela n’est pas sans répercussions économiques.
Le CNB estime ainsi à 20,6 milliards d’euros le coût social annuel induit rien que par les nuisances sonores liées aux transports.