« Travailler dans une équipe est une ambition »
Àlatêtedela sélection française depuis deux ans, Thomas Voeckler prépare évidemment les Jeux olympiques, mais aussi son avenir. Et il le fait dans le Var
Sur l’écran géant, au fond de la pièce, l’image de Julian Alaphilippe, levant trop tôt les bras sur la ligne d’arrivée de Liège-Bastogne-Liège, et offrant, bêtement, le octobre dernier, la victoire à Primoz Roglic sur la Doyenne des classiques (). Le cliché, aussi, de la chute du champion du monde français au Tour des Flandres, quinze jours plus tard et – surtout – trois semaines seulement après son sacre mondial. Comme autant de piqûres de rappel pour le groupe venu suivre, dans cette salle du centre de ressources, d’expertise et de performance sportive (Creps) de Boulouris, à Saint-Raphaël, une formation d’entraîneur cycliste. Gestion de la victoire et risques de relâchement liés au succès, appréhension des dangers propres à une utilisation trop intensive des réseaux sociaux par les coureurs sur leurs temps de repos, les thèmes s’enchaînent et parmi les stagiaires, le sélectionneur de l’équipe de France, Thomas Voeckler, écoute attentivement. Calme et bien plus discret que sur la moto de France Télévisions, quand l’été il commente la progression d’un peloton qu’il a quitté le juillet , le double champion de France ( et ) était un sacré puncheur sur les routes du circuit international. Un bon grimpeur aussi, arrivé sur les Champs-Élysées en avec le fameux maillot à pois sur les épaules. Aujourd’hui, il se prépare à enfiler une nouvelle tunique. Celle, sans doute, de patron d’équipe. Un virage que Voeckler négocie notamment dans le Var.
1. Le coureur français avait finalement été déclassé par le jury des commissaires à cause d’un écart dans le sprint final.
Vous voici dans le Var, un territoire qui vous sourit puisque vous avez remporté à deux reprises, en puis en , le Tour du haut-Var.
Oui, ce sont de bons souvenirs, mais au-delà de mes victoires, c’est une région qui est synonyme de reprise pour le monde professionnel, avec le Grand Prix La Marseillaise, le Tour de La Provence et ensuite le Tour des Alpes-Maritimes et du Var. C’était aussi, avant que le sud de l’Espagne ne devienne à la mode pour des raisons économiques, une terre de préparation hivernale. Je suis souvent venu préparer mes saisons ici.
Cette fois, vous n’êtes pas ici pour préparer votre saison, mais votre avenir. Oui, je suis venu suivre une formation pour devenir entraîneur, mais au sens large, puisque ça comprend les fonctions de directeur sportif et d’éducateur. J’ai obtenu un diplôme de manager et je voulais le compléter par un diplôme d’entraîneur.
Nous vous verrons donc prochainement à la tête d’une équipe cycliste ?
Je suis épanoui dans mes fonctions de consultant pour France Télévisions et dans mon rôle de sélectionneur de l’équipe de France, mais je me considère encore dans une phase de transition entre la fin de ma carrière de coureur et ma reconversion. J’ai donc quelques projets en tête et oui, travailler dans une équipe est une ambition que j’ai.
Pour le moment, vous êtes à la tête de l’équipe de France et l’année promet d’être chargée.
Oui, puisque nous avons les championnats d’Europe, les championnats du monde et les Jeux olympiques.
Avec une chance de médaille pour le champion du monde, Julian Alaphilippe, qui n’était d’ailleurs pas passé loin de la médaille d’or à Rio, en . Vous ferez de Julian le leader de l’équipe de France ? Vous construirez l’équipe autour de lui ? On a la chance d’avoir cette tête de gondole, ce qu’il a réalisé à Imola (les championnats du monde étaient organisés en Italie, Ndlr) est immense et au moment où l’on se parle, il n’est évidemment pas concevable qu’il ne soit pas dans l’équipe. Mais la saison n’a pas encore démarré, il peut se passer plein de choses et il est hors de question que j’annonce que l’équipe sera construite autour de lui. Ce n’est pas le seul coureur.
Comme Romain Bardet ou Thibaut Pinot qui vient d’ailleurs d’annoncer son absence sur le Tour de France. Son choix vous a surpris ? Je l’ai senti venir et pour être franc, je le savais car j’essaie d’avoir des contacts avec les piliers de l’équipe de France, notamment pour être au courant de leur programme de courses. Après, je comprends son choix et je ne le considère pas comme un aveu de faiblesse. Contrairement à ce que l’on pense, Thibaut est d’ailleurs un garçon hyper fort mentalement, et ça ne veut pas dire qu’on ne le reverra pas sur le Tour de France. Même si, dans l’immédiat, on peut aussi comprendre la déception du public français qui, en , a bien cru tenir avec Thibaut le successeur de Bernard Hinault.
‘‘ Il est hors de question que j’annonce aujourd’hui que l’équipe sera construite autour d’Alaphilippe”
‘‘ S’il y a eu, à une époque, des complexes dans les rangs français, aujourd’hui, il n’y en a plus”
Un public qui patiente depuis plus de trente ans, puisque le dernier sacre de Bernard Hinault sur le Tour remonte à . Vous pensez que ce public va devoir patienter encore longtemps ? On a déjà un successeur à Laurent Brochard (sacré champion du monde en à SaintSébastien) avec Julian, qui remporte le titre vingt-trois ans après. Alors oui, on attend, et moi le premier, mais depuis quelques années, je réponds enfin qu’un Français peut gagner le Tour. Nous avons quelques vainqueurs potentiels. Pas des favoris, mais de potentiels vainqueurs.
Vous pensez à Alaphilippe ?
Non, Julian l’a d’ailleurs plus ou moins dit, le Tour n’est pas son objectif. Et jouer un classement général, si l’on n’oriente pas tout autour, comme la préparation, ou l’équipe, c’est très compliqué. À la régulière, les meilleures chances françaises tournent autour de Romain Bardet ou de Guillaume Martin. Et, s’il y a eu, à une époque, des complexes dans les rangs français, aujourd’hui il n’y en a plus. Du côté des coureurs comme des équipes, puisqu’on voit le professionnalisme grandir dans ces équipes. Et on voit que ça porte ses fruits.