Le projet d’hôtel de Virenque suspendu
Le tribunal administratif de Toulon vient de suspendre le permis de construire d’un projet hôtelier d’envergure porté par l’ex-cycliste à Carqueiranne
C’est une petite victoire qu’ont remportée en fin de semaine dernière les opposants à la construction d’un hôtel hyper luxe porté par le champion cycliste Richard Virenque, sur le site de l’ancien hôpital pour enfants à Font-Brun, à Carqueiranne. Un projet « titanesque » comprenant complexe hôtelier 5 étoiles avec 55 chambres, un centre de thalassothérapie, un centre d’information à l’environnement marin, un parking enterré… Saisi en urgence, le tribunal administratif de Toulon a prononcé une ordonnance suspendant l’exécution du permis de construire délivré à la société Bettyzou Développement et condamné la commune de Carqueiranne à verser une somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles. Pour prendre cette décision, le juge a d’abord admis d’une part « la pleine recevabilité des recours déposés au regard de l’impact du projet ». Et d’autre part que « la condition d’urgence était satisfaite, faisant une pleine application du code de l’urbanisme »…
Plusieurs irrégularités
En outre, il a été signifié que compte tenu « de l’état du secteur d’accueil du projet et de l’ampleur dudit projet, les moyens tirés de la méconnaissance » de différents articles du code de l’urbanisme sont, « en l’état de l’instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées. »
Des « méconnaissances » qui portent sur l’absence d’accord du gestionnaire du domaine public maritime alors que le projet comporte des constructions sur ce domaine ; sur le fait que le projet n’est pas situé à l’intérieur d’un espace urbanisé et qu’il entraîne une densification significative de cet espace ; qu’il n’est pas situé en continuité d’une agglomération ou d’un village existant ; que l’extension projetée de l’urbanisation ne présente pas un caractère limité, qu’il y a atteinte à des espaces remarquables du littoral ; et enfin qu’il n’est pas situé à l’intérieur des parties urbanisées de la commune…
Jugement avant l’été
Si cette décision du juge des référés n’a rien de définitive et n’a été prise qu’en l’attente de celle du tribunal administratif qui interviendra dans les prochains mois, elle constitue un premier succès pour les dépositaires du recours.
« Cette décision n’est pas très étonnante vu l'illégalité du permis, souligne Me Jean-François Rouhaud, avocat chargé du recours. L'État a donné pour ce permis un avis favorable alors qu'il avait donné un avis défavorable sur un précédent projet. Alors M. Virenque nous dit que le projet est différent mais ce n'est pas le projet le problème, mais l'emplacement. Six irrégularités ont été retenues, c'est assez rare. Ça n'oblige pas le tribunal administratif à retenir les mêmes éléments que le juge en référé, mais ça donne une idée du bien-fondé du recours…»
Une décision qui a en tout cas « fait plaisir » à M. Collet, président de l’association Carqueiranne Environnement qui avait déposé un recours gracieux en mairie.
« Les arguments retenus sont bons, c'est précisément ceux qu'avait donnés la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) lors d'un précédent projet. Là il y a eu un tour de passe-passe pour que d'un seul coup, pour un projet plus gros, un avis favorable soit donné sans aucun argument, deux jours avant les élections, et que l’ancien maire donne son accord tout de suite… »
Les riverains satisfaits
Un avis partagé les riverains dont Gilles-Antoine Sillard, avocat spécialisé en immobilier, un des trente propriétaires, adhérent du Comité d’intérêt local de Font-Brun, à s’être engagé dans un recours contentieux contre le projet. « Font-Brun, c’est un site privilégié, dans un environnement protégé composé de demeures familiales centenaires qui ont une histoire locale. La mienne, par exemple, a été occupée par le chef radio du commandant Cousteau. Faire venir des milliers de personnes ici est incompatible avec le site et le permis n’est pas compatible avec la loi ! ». Et de poursuivre ; « Un permis ne peut pas aller à l’encontre de la loi littoral et du schéma de cohérence territoriale (SCoT) qui définit cette zone. Nous sommes dans une zone protégée, où se greffe Natura 2000 .» Voisin direct, Marie-Pierre, plutôt réfractaire aux procédures judiciaires, est convaincu de la légitimité de l’action engagée. « Le permis agrandit de manière conséquente (six fois) la construction actuelle. Il faut respecter le caractère de ce quartier protégé jusqu’à présent d’une bétonisation à outrance ».
Pour les requérants, le référé est un premier pas et ils attendent désormais un jugement sur le fond. Celuici est espéré avant l’été.