Les quatre contraintes de Macron
Il faut croire que le chef de l’État est très fébrile ces tempsci. Comment a-t-il pu déclarer jeudi dernier, lors d’une visite à Saclay, que « nous sommes une nation de soixante-six millions de procureurs » ? D’abord, cette phrase globalisante est erronée. Les % de Français satisfaits de son action selon le baromètre Ifop-JDD du janvier en font-ils partie ? Ensuite, elle trahit une forme d’exaspération qui ne sied guère à la fonction présidentielle. Certes, le chef de l’État a droit à l’erreur, comme il l’a aussi revendiqué à Saclay, mais tout citoyen a le droit de s’interroger sur sa politique. Le doute méthodique est une vertu car seul il permet de vérifier que l’idée reçue est vraie ou... fausse. N’en déplaise au Président, ainsi va la démocratie.
Pour ne pas être rangé un peu vite parmi les procureurs, reconnaissons que la période est complexe. Tous les dirigeants en Europe (et ailleurs) tâtonnent face à la pandémie. Nous ne sommes ni les pires. Ni les meilleurs, bien loindelà! Dans cette épreuve, tous les pouvoirs sont confrontés à trois contraintes très difficiles à gérer : sanitaire, économique et sociale. Autrement dit, comment endiguer la progression du virus et des victimes, éviter un effondrement irréversible de notre économie et empêcher une aggravation massive des fractures sociales ? Presque la quadrature du cercle dans une situation sans précédent. Si les interrogations face aux mesures adoptées sont à la fois nécessaires et légitimes, nul en revanche ne peut prétendre détenir la solution miracle. Mais le chef de l’État a introduit une quatrième contrainte dans ses décisions : la présidentielle de . On ne peut le lui reprocher car l’échéance élyséenne est dans quinze mois seulement. Ce n’est pas être cependant procureur que de noter que cet enjeu pèse dès à présent sur ses décisions. Ainsi le chef de l’État, qui aurait pu, et peut-être dû selon certains experts, reconfiner le pays dès le janvier, a préféré en repousser la perspective tant il redoute qu’une nouvelle mise entre parenthèses générale exaspère les Français et contrarie ses atouts électoraux.
Mauvais calcul, en l’occurrence, car il va sans doute devoir décréter assez vite un nouveau confinement. Seule mesure susceptible, semble-t-il, de « casser » la progression galopante de la variante anglaise du virus. Bien des décisions économiques s’expliquent également à cette aune électorale. Par exemple, le report du remboursement des prêts garantis par l’État accordés aux entreprises au printemps dernier. Il est certes économiquement utile mais son parfum électoraliste est réel. La règle macronienne du « quoiqu’il en coûte » aura pour étalon or la présidentielle de . L’essentiel cependant est que cette contrainte politique personnelle ne prenne jamais le dessus sur les trois autres qui concernent, elles, tout le pays.
Le chef de l’État a introduit une quatrième contrainte dans ses décisions : la présidentielle de 2022